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de navigation, que la triple alliance était RENOUVELEE. — Forme de proclamation grotesque, d’un grotesque égal à celui de la déclaration que le gouvernement italien, réduit au silence par la courageuse et victorieuse opposition de l’extrême gauche de Monte-Citorio, avait dû, la veille, 28 juin, se contenter de mimer devant les représentans de la nation italienne !

Mais, forme à part, que s’était-il passé dans ce laps de temps si court, qui eût pu amener un tel changement dans l’attitude des ministres du roi Humbert ? La France, par hasard, avait-elle menacé l’Italie d’une attaque vers les Alpes ou la rivière de Gênes ? Avait-elle fait quelque démonstration navale inquiétante pour les positions maritimes de la péninsule ? Avait-elle fait mine de modifier l’assiette de la Méditerranée en Afrique, sinon en Europe ? Avait-elle tout au moins proclamé la fameuse croisade pour le rétablissement du pouvoir temporel ; — cauchemar qui empêche M. Crispi de dormir et lui fait opposer coup sur coup, dans la Contemporary Review, des réfutations si vagues au réquisitoire si précis que cette même revue avait lancé contre la politique de la triple alliance dont il s’est fait une sorte de credo ?

Nullement. Ce qui s’était, en réalité, passé, c’était tout d’abord la découverte de la célèbre déconvenue du prétendu protectorat érythréen. Cette découverte achevait de discréditer M. Crispi ; elle délivrait le ministère de la terreur où le tenait depuis son avènement la possibilité d’un retour offensif de cet homme d’État vers le pouvoir ; elle le délivrait en même temps de la nécessité absolue qu’il avait subie en naissant de s’appuyer sur l’extrême gauche ; ce groupe, en effet, était seul capable, par ses orateurs et ses journaux, de mener, parallèlement à ceux de droite, contre l’ex-dictateur, la campagne acharnée nécessaire à l’existence du nouveau cabinet. Ce qui s’était passé, d’autre part, c’est que les besoins les plus urgens du trésor étaient satisfaits grâce aux habiles combinaisons de M. Luzzatti ; c’est enfin que les centres parlementaires, voyant ainsi le ministère devenir moins faible et prêt à répudier ses promiscuités avec le radicalisme, manifestaient plus de tendances à se grouper autour de lui. Sur ces entrefaites vinrent les démonstrations du 1er mai, qui devaient être la circonstance occasionnelle de la rupture du ministère avec le parti radical. Ce parti, comme l’on devait s’y attendre, ne pouvait continuer à solidariser sa politique avec celle d’un gouvernement, qui, d’après lui, violait l’un des droits constitutionnels les plus essentiels, le droit de réunion.

C’est dans la séance du 4 mai que l’extrême gauche se sépara définitivement du ministère en votant contre l’ordre du jour de confiance que M. di Rudini demandait, à l’occasion de la répression des troubles du 1er mai.