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LA BÉRÉSINA[1]


I

Après avoir désespérément lutté dans Polotsk, Saint-Cyr, attaqué par Wittgenstein et Steinghel, sur les deux rives de la Duna, s’est décidé à opérer sa retraite après avoir mis le feu à la ville… Les blessures que le maréchal Saint-Cyr avait reçues allaient priver l’armée d’un chef en qui elle avait une entière confiance. Il fallait le remplacer. Le comte de Wrède, alléguant son rang de général en chef du corps bavarois, prétendit avoir le commandement sur les généraux de division français ; mais ceux-ci refusant d’obéir à un étranger, Saint-Cyr, quoique très souffrant, consentit à garder encore quelque temps la direction des deux corps d’armée et ordonna la retraite vers Oula, afin de se rapprocher de Smoliany et

  1. Dans les premiers volumes des Mémoires du général baron de Marbot (Plon et Nourrit, éditeurs), on a vu l’auteur remplissant le rôle, en quelque sorte indépendant, d’aide-de-camp auprès des principaux maréchaux de l’Empire, paraissant sur presque tous les champs de bataille de l’Europe et nous retraçant avec les secrets des états-généraux le tableau de luttes héroïques. — Le tome III de ces Souvenirs nous le fera bientôt voir entrant en ligne à la tête du 23e de chasseurs à cheval, toujours vaillant, souvent même vainqueur, en dépit de nos défaites. Homme d’action, il reste toujours observateur et il ne pouvait manquer de nous transmettre, avec l’intensité de vie qui caractérise ses écrits, les scènes dont il a été l’acteur. Après nous avoir si bien décrit les grands jours de l’épopée impériale, il devait nous peindre les désastres du dénoûment. Voici l’un des passages les plus émouvant du grand drame de la retraite de Russie, qui nous est communiqué par le vicomte de Boisle comte, l’un des héritiers de ces Mémoires.