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de ses conseils libéraux. Le dernier mot de ce travail mystérieux était la dissolution par cette ordonnance du 5 septembre 1816, qui est restée une date de l’histoire, qui éclatait comme une déclaration de guerre à l’ultra-royalisme et à la petite cour toujours agitée de Monsieur : vrai coup de théâtre, discrètement et habilement préparé, qui avait pour objet et allait avoir pour résultat une sorte de révolution parlementaire par un déplacement de majorité au profit de la politique modérée du roi et du ministère ! A la première nouvelle de cette résolution hardie qui allait retentir dans sa province, M. de Villèle ne s’y méprenait pas. Il devait à ses succès de parlement et à sa popularité toulousaine d’être sûr de sa réélection ; mais il sentait bien que les mauvais jours revenaient pour le parti et que la chambre « introuvable » ne se retrouverait pas de sitôt. On entrait, en effet, par l’ordonnance du 5 septembre, dans un ordre nouveau, dans cette phase nouvelle où la politique modérée semblait triompher avec M. de Richelieu, avec M. Decazes, avec M. de Serre, avec le maréchal Gouvion Saint-Cyr, et où les ultra-royalistes, qui, la veille encore, formaient la majorité de la chambre de 1815, n’étaient plus qu’une minorité réduite à une opposition inégale et ingrate. Sortis des élections vaincus, diminués et surtout irrités, les ultras se retrouvaient dans les conditions les plus délicates. Ils avaient contre eux le roi, les ministres, les libéraux, les modérés, l’opinion du moment. Ils avaient en même temps, il est vrai, quelques avantages. Ils formaient une minorité assez compacte, une brigade solide, unie par le ressentiment. Ils gardaient toujours leurs intelligences et leurs appuis auprès du comte d’Artois. Ils restaient de plus après tout des royalistes fidèles, formant une sorte de réserve de la monarchie. Ils n’étaient pas assez nombreux ni assez puissans pour prétendre au pouvoir par l’action parlementaire ; ils étaient assez forts pour contenir ou embarrasser les ministres en les obligeant à compter avec eux, pour soutenir pied à pied la lutte contre la politique qui les traitait en ennemis, en attendant un retour de fortune toujours possible. C’est une campagne de plus de trois années qui s’ouvre au lendemain de la crise de 1816, et dans cette campagne traversée de bien des péripéties, M. de Villèle, loin de voir diminuer son importance, prend, au contraire, une autorité nouvelle et croissante. Il est plus que jamais recherché, consulté ou ménagé par les ministériels eux-mêmes comme le plus sensé des ultras, par les royalistes comme le plus sûr des guides.

Ce n’est plus ici le chef encore novice d’une majorité passionnée et incohérente. C’est un chef d’opposition déjà éclairé par une première expérience, réduit à reprendre tout un travail de patience