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demanda au commissaire civil que la Banque pût recommencer ses opérations d’escompte et que le gouvernement mît à sa disposition une somme suffisante. Il y avait arrêt complet des affaires, des stocks de produits sans débouchés, une nombreuse population ouvrière condamnée au chômage : à défaut de la remise en activité des succursales de la Banque de France, on réclamait la création d’une nouvelle institution de crédit pour empêcher un effondrement.

Des considérations de politique générale empêchèrent de faire la concession désirée ; on obtint toutefois qu’il serait laissé à la succursale une certaine liberté pour quelques escomptes indispensables.

La prorogation des échéances, en vertu de la loi du 13 août 1870, avait été une autre source de complications. Les débiteurs demeurant en France, qui avaient reçu des marchandises, s’abritaient derrière ce moratoire. Les Alsaciens-Lorrains en sollicitaient l’extension à leur profit. L’autorité allemande céda avec mauvaise grâce : un arrêté du gouverneur-général d’Alsace-Lorraine, du 20 mars 1871, prorogea de 7 mois les effets venus à échéance entre le 13 août et le 12 novembre 1870 et ceux du 13 novembre 1870-12 avril 1871 furent reportés au 13 juin-12 juillet 1871. Le débiteur avait à bonifier 6 pour 100 au créancier depuis la date de la première échéance.

La suspension des caisses d’épargne frappa d’autres classes que celles qu’avaient atteintes la liquidation de la Banque et la prorogation des échéances.

En 1868, on comptait dans les départemens de la Moselle, 1 déposant sur 15 habitans, avec 252 fr. 82 déposés ; du Bas-Rhin, 1 déposant sur 21 habitans avec 348 francs déposés ; du Haut-Rhin, 1 déposant sur 33 habitans avec 411 francs déposés.

La caisse d’épargne de Strasbourg avait 18,180 déposans, Metz, 25,590 ; dans les deux provinces, 22 caisses étaient en pleine activité.

La suspension des remboursemens avait été la conséquence de l’organisation particulière des caisses françaises, dont l’argent est administré par l’État et non par les institutions elles-mêmes comme en Prusse. Les capitaux étaient concentrés à la Caisse des dépôts et consignations, qui bonifiait 4 pour 100. 22,110,896 francs étaient dus en 1870, mais ils se trouvaient à Paris. Les caisses, dépourvues de leurs ressources et réduites à un fonds de roulement insignifiant, ne purent rembourser. Elles n’acceptaient d’ailleurs plus de dépôts, ne sachant pas si l’administration nouvelle succéderait aux obligations de l’État français.