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route supérieure à 15 ou 16 nœuds, le poids d’un approvisionnement de charbon très considérable leur étant interdit. Ils ne peuvent se déplacer pour ainsi dire qu’à coup sûr, de peur de semer leur charbon sur une fausse piste et de se trouver dépourvus de combustible lorsque le moment d’agir serait venu.

Il faut à une escadre cuirassée de vigilans éclaireurs très rapides qui fouillent sans cesse la mer très loin autour d’elle pour découvrir l’ennemi, le suivre dans sa retraite s’il se dérobe et, au besoin, pour le dérouter tout en restant en communication constante avec le chef par le moyen d’autres estafettes non moins rapides.

L’escadre cuirassée, tenue sans cesse au courant des mouvemens de l’ennemi, modifie sa marche un peu pesante d’après les renseignemens qui lui parviennent et ne risque pas de s’égarer à la recherche de l’ennemi.

Privée d’éclaireurs, une escadre marche à l’aveugle et peut tomber inopinément sur une force navale plus considérable ou laisser filer à petite distance un ennemi plus faible, profitant de la nuit pour passer par mailles.

Cet important service des éclaireurs vient d’être codifié dans la nouvelle tactique en essai dans l’escadre de la Méditerranée ; il ne manque plus que des croiseurs en nombre suffisant pour l’appliquer. Nous ne doutons pas un seul instant que le parlement ne comprenne la patriotique nécessité d’un sacrifice immédiat.


IV

Le parlement aura probablement aussi à se prononcer sur la situation d’un certain nombre de nos bâtimens de seconde ligne, qui, comme nous l’avons dit, sont en réserve dans les ports et dont on demande l’armement réduit, mais permanent.

Il y a trois catégories de réserve : dans la première, les navires sont sur rade, avec environ les deux tiers de leur équipage et presque tous leurs officiers ; le matériel est à bord, à l’exception des vivres, qui pourraient se détériorer par suite d’un long séjour dans les soutes ; tous les trois mois, les bâtimens en première catégorie appareillent pour évoluer ou large et pour tirer le canon ; ils doivent être toujours prêts à prendre la mer en quarante-huit heures pour n’importe quelle destination.

La première catégorie est, comme on le voit, bien rapprochée d’un armement réel ; elle n’a qu’un inconvénient, c’est de coûter trop cher : aussi, jusqu’à l’année dernière, la liste des bâtimens de la flotte ne comptait-elle qu’un seul navire dans cette situation, les bâtimens en essais exceptés.