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REVUE DES DEUX MONDES.

une minute de plus, et, sans déboucler sa valise ni même permettre qu’on réveillât Mme la comtesse, elle était repartie pour Maniow, chez les Lanowski, ajoutant qu’elle reviendrait peut-être pour les funérailles.

La comtesse avait écouté avec une colère mal contenue :

— Elle est à Maniow, dites-vous ?.. Ah ! oui, je comprends, c’est aujourd’hui la fête de Mme Lanowska, on y dansera ce soir !..

Une expression de dégoût envahit son visage, et elle se remit en prières.

X.

Tandis que Nasta se dirigeait lentement vers Busowiska, un profond émoi bouleversait le paisible village. A peine la Kinaszkowa était-elle arrivée, qu’elle avait colporté de maison en maison la nouvelle de l’apparition miraculeuse de la sainte Vierge, et comme c’était une femme très honnête et très véridique, on avait entièrement ajouté foi à ses paroles, et les commentaires avaient été tout de suite leur train.

Sans doute, c’était en reconnaissance de ce qu’il avait peint ce tableau en son honneur que la sainte Vierge était apparue au lit du jeune peintre après sa mort !.. Mais alors, ajoutait un autre, si elle lui était apparue, un miracle, un vrai miracle avait eu lieu, et le tableau miraculeux, la cause de cette faveur céleste, n’était plus là !.. on l’avait chassé de l’église, on avait banni la mère du Christ !..

La surprise du premier moment faisait place, maintenant, à la stupeur, et les paroles prophétiques de Técla revenaient à la mémoire de tous ! Consternés, les membres de la fabrique se regardaient entre eux, tandis que les ennemis les plus acharnés du tableau se hâtaient de disparaître.

Nasta, ignorante du départ de la madone, et encore tout impressionnée par la vision du matin, se hâta, à peine rentrée chez elle, de se diriger aussi vers l’église, afin de se prosterner devant sa précieuse image.

La porte de la cerkiew était toute grande ouverte. Elle se précipita d’un bond vers sa chapelle ; mais, à son horreur, le tableau avait disparu !

De chaque côté de l’autel pendillaient, lamentablement, des lambeaux arrachés de mousseline, des fleurs, des rubans, et il n’y avait plus de trace ni de la madone, ni des cierges, ni des chandeliers !..

Le désespoir suffoqua la malheureuse, et c’est en poussant des