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Mon domestique, sachant qu’il me connaissait, le pria de dire au soldat anglais d’aller avec lui chez le marchand pour chercher le drap que j’avais commandé. M. Harpour, qui entendait très bien le français, y consentit et l’on fit ainsi.

Quand mon domestique rentra, il me dit :

— Je vous apporte du drap bleu que vous avez demandé à un monsieur que j’ai rencontré dans la rue.

— Du drap ? mais je n’en ai demandé à personne ! Et quel est ce monsieur ?

— Je ne le connais pas, mais d’après ce qu’il m’a dit, c’est bien pour vous. Tenez, voici le paquet. Il me semble bien lourd. Il m’a dit encore que le mémoire du marchand est dedans.

J’ouvris le paquet. Je fus agréablement surpris d’y trouver mes 6,000 francs en or, avec un billet sans signature, où l’on me disait, « que l’on s’empressait de me rendre mon argent. Que quant à mes 23 guinées en billets de banque, M. Alvear, qui s’en était chargé, avait peut-être emporté cette somme, ou l’avait laissée à quelqu’un pour me la faire tenir. »

M. Alvear était parti pour l’Angleterre, le lendemain de mon arrestation. J’étais dans la confidence de ce voyage. Ce monsieur devait s’y embarquer pour se rendre de là à Buenos-Ayres. Je m’estimai très heureux d’avoir rattrapé cette somme, sur laquelle je ne comptais plus ; je regrettai mes soupçons d’un instant, et, surtout, d’avoir toujours ignoré le nom de cet honnête négociant.

Le 10 novembre, le colonel de Wateville vint me voir de la part du général Cook et me dit qu’un parlementaire devait être envoyé derechef à l’armée française, qu’il était chargé de nouvelles propositions d’échange et qu’il croyait que, cette fois, ce serait à la disposition de mes chefs.

Le 26 novembre, le colonel de Wateville revint et me dit que la nouvelle proposition d’échange était acceptée par le maréchal Victor ; que je devais être échangé contre le marquis de Casa-Trevino, lieutenant des gardes espagnoles, fait prisonnier, et actuellement au pouvoir de l’armée française. Qu’il me souhaitait bon espoir et surtout un peu de patience pour supporter mes maux. Je demandai au colonel de Wateville la liberté de me promener dans la cour et sur les terrasses de la caserne. Je le priai de m’envoyer un médecin anglais et de vouloir bien dire au général Cook que, ma santé dépérissant beaucoup, je le suppliais de m’accorder cette faveur.

Dans l’après-midi, le même colonel revint. Il me dit que le général consentait à accorder ma demande ; que le factionnaire placé à ma porte serait retiré si je voulais donner, par écrit, ma