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sociétaire, il faut prouver que l’on a déjà joué la comédie ; défense de refuser un rôle affecté à son emploi : seules les actrices jouissent du droit de choisir les ouvrages, d’indiquer le jour de la représentation, de fixer le nombre et l’heure des répétitions. Une amende punit le retardataire, mais les dames ont la demi-heure de grâce. N’est-ce pas le cas de protester contre le mot d’une autre femme du XVIIIe siècle : — « On voit bien, à la manière dont nous avons été traitées, que Dieu est un homme. » — Voici la composition primitive de la très noble troupe : ducs d’Orléans, d’Ayen, de Coigny, de Nivernois, de Duras, comte de Maillebois, marquis de Courtenvaux, marquis d’Entraigues ; marquise de Pompadour, duchesse de Brancas, comtesse d’Estrades, marquise de Livry, Mme de Marchais. Les spectacles commencent au retour de Fontainebleau, vers le milieu de novembre ; Mlles Gaussin et Dumesnil, de la Comédie-Française, dirigent parfois les répétitions. Lorsqu’on aborda l’opéra, la troupe n’avait que trois acteurs capables de chanter : la marquise, la duchesse de Brancas, le duc d’Ayen ; on leur adjoignit Mme Trusson, le comte de Clermont d’Amboise, le vicomte de Rohan, le marquis de La Salle. Elle a un directeur, le duc de La Vallière, et un sous-directeur, l’académicien Moncrif, lecteur de la reine, l’historiogriffe des chats, un secrétaire-souffleur, l’abbé de La Garde, bibliothécaire de la Pompadour. L’orchestre, composé pour un tiers environ d’amateurs, pour deux tiers d’artistes de la musique du roi, est conduit par Rebel ; dans les opéras, le compositeur a le droit de battre la mesure quand on joue son ouvrage. Les chœurs chantans, sous la direction de Bury, sont divisés en deux parties : côté du roi, côté de la reine, choisis à l’ancienneté, afin d’éviter toute jalousie sur la prééminence des talens. Sous les ordres de Dehesse, maître des ballets, se meut un bataillon de figurans et figurantes, âgés de neuf à douze ans ; on ne compte que quatre danseurs seuls : le marquis de Courtenvaux, le comte de Langeron, le duc de Beuvron et le comte de Melfort.

Pour décorer le théâtre, on a fait appel à des artistes d’élite : Perronet dessine les costumes qu’exécutent Renaudin, Mériotte, Supplis et Romarin ; quant au département des coiffures, il revient de droit à Notrelle, celui-là même qui fit insérer dans un almanach cette délicieuse réclame : « Le sieur Notrelle, coiffeur des Menus-Plaisirs, du roi et de tous les spectacles, place du Carrousel, a épuisé les ressources de son art pour imiter les perruques des dieux, des démons, des héros, des bergers, des tritons, des cyclopes, des naïades, des furies, etc. Quoique ces êtres, tant fictifs que vrais, n’en aient pas connu l’usage, la force de son imagination lui a fait deviner quel eût été leur goût à cet égard si la mode d’en porter eût été de leur temps. À ces perruques sublimes il a