en France par Catherine de Médicis, parvenus à leur complet épanouissement sous Louis XIV, ces ballets mêlés de comédies, composés par Benserade, Lulli, Molière, pour la plus grande gloire du roi et des princes qui prenaient plaisir à se mêler aux danses avec leurs courtisans ? Le ballet de Circé et ses Nymphes, en 1581, coûtait plus de 600,000 livres. Sully, Sully lui-même, n’avait-il pas dansé des pas que lui enseignait la sœur d’Henri IV ? Voilà sans doute l’origine du théâtre de société, car les mœurs sociales, pas plus que la nature, ne procèdent par bonds. Tombant de si haut, l’exemple ne devait pas manquer d’imitateurs. Aussi bien un salon n’est-il pas une cour en miniature, avec son roi ou sa reine, les favoris, quelques amis dévoués, la masse des indifférens, avec les petites intrigues d’ambition ou d’amour, et ce mélange d’historiettes, de sentimens nobles ou mesquins, de conversations élevées parfois, plus souvent oiseuses, qui partout forment la trame de la vie humaine ? Pourquoi les salons n’auraient-ils pas marché sur les traces de la cour, que l’on considérait comme la source de tout bien, le modèle des grâces et du goût ? Comment ces princes du sang et ces seigneurs n’auraient-ils pas été tentés de réaliser dans leurs palais et châteaux ce qui se faisait devant eux, avec eux, à Versailles ? On peut même s’étonner qu’ils aient si longtemps tardé.
Passe-temps délicieux, remède contre l’ennui et le désœuvrement, instrument de domination féminine, rapprochemens piquans entre les situations scéniques et réelles, moyen assuré de faire briller des talens authentiques, de recueillir une ample moisson de complimens, toutes les vanités de la vanité, tous les mobiles du cœur humain trouvent leur compte dans cet agrément. Sans aller jusqu’à répéter que les Français sont les comédiens ordinaires du bon Dieu et les tragédiens de la Fatalité, ne peut-on soutenir que la vie mondaine semble une perpétuelle comédie, puisque les sociétés reposent sur un certain nombre de conventions ou d’habitudes, devenues naturelles, légitimes si l’on veut, par une sorte de prescription plusieurs fois séculaire, mais qui sont en état de divorce perpétuel avec la vérité toute nue ? Nous voilà donc comédiens, comédiens sans le savoir, forcés de transposer sans cesse nos sentimens, de nous incarner en quelque sorte dans des personnages de fiction : la plupart y parviennent lentement, quelques-uns naissent acteurs, habitent sans effort les dehors de leur âme, jouent leur vie privée, leur vie publique et mondaine ; on croirait qu’ils sont toujours en scène ; ils attendent ou méditent une réplique théâtrale, posent pour la galerie, et, dans la solitude même, enflent la voix, déclament, s’adressent à un parterre invisible.
De la comédie mondaine à la comédie d’amateurs, il n’y a qu’un