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Cependant, la poudre à canon ne prit pas tout d’abord cette supériorité accablante sur les anciennes machines, qui devait faire abandonner celles-ci. On continua pendant près d’un siècle à se servir en même temps des antiques machines de guerre et des compositions incendiaires d’autrefois ; on combina même l’emploi des anciens et des nouveaux engins. Froissart, décrivant le siège de Romorantin par les Anglais, parle du feu grégeois tiré par bombardes et par canons.

Il existe deux manuscrits à figures, l’un à la Bibliothèque nationale de Paris (latin n° 7239), l’autre à celle de Munich (latin n° 197), manuscrits copiés en partie l’un sur l’autre, ou tirés d’une source commune. Ils décrivent et représentent les diverses machines de guerre usitées au XIVe siècle. On y voit à la fois et sur les mêmes pages les mangonneaux, imités de l’antiquité, et les premiers modèles de bombardes. Celles-ci ne lancent pas seulement des boulets, mais aussi de grandes flèches et des carreaux incendiaires, que les dessins font voir à moitié engagés dans le tube du canon. D’autres bombardes, également figurées, projettent verticalement des boulets incendiaires. Sur une autre page, on aperçoit un guerrier en haut d’une sorte de hune, protégé par un mantelet et qui a à sa disposition d’un côté une fronde à la main et de l’autre une arme à feu portative.

Le bélier demeure dessiné dans ces manuscrits, sous diverses formes, comme le principal instrument destiné à battre en brèche. Mais les jours de cet antique engin, si longtemps regardé comme le plus formidable instrument d’attaque, étaient comptés. La puissance mécanique de la poudre se révélait de plus en plus. Au XVe siècle, Jean Bureau construit des canons plus puissans et il s’en sert pour abattre les forteresses féodales et réduire les châteaux-forts attaqués par le roi de France. Le bélier, les mangonneaux, les arbalètes à tour et toutes les machines encombrantes et mues à bras d’homme des anciens combattans disparurent rapidement devant ces nouveaux engins, qui puisaient une énergie supérieure dans la mécanique chimique.

La puissance explosive de la poudre ne tarda pas à être employée d’une façon non moins efficace dans les mines, pour faire sauter et écrouler les forteresses, avec moins de peine et de frais que le feu dans les anciens travaux souterrains. On l’utilisa également pour les bombes et les projectiles creux, de façon à lancer non-seulement des matières incendiaires, mais des matières explosives, dont l’effet destructeur se redoublait au point d’arrivée.

Dès le XVIe siècle, la transformation de l’art militaire est opérée et l’on réalise un système d’artillerie analogue aux nôtres et dont