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petite chose, un morceau de parchemin, en se rompant produit un bruit si horrible qu’il semble surpasser le grondement du tonnerre1, et l’éclair en est également surpassé par son éclat lumineux. C’est sans doute ainsi, ajoute Roger Bacon, que Gédéon a jeté la terreur dans le camp des Madianites. » On voit qu’il s’agit ici du pétard, de la lumière et du bruit de son explosion. De même pour la fusée signalée plus haut dans Marcus Græcus ; c’était un artifice incendiaire : mais on n’avait pas encore, à ce moment, l’idée d’utiliser dans toute son étendue la force projective des matières qu’elle renfermait.

L’explosion des matières nitratées devait être au contraire évitée avec soin à cette époque, comme dangereuse pour les opérateurs, qui n’avaient pas appris l’art de la maîtriser. A peu près comme de notre temps la poudre-coton a été regardée pendant près de quarante ans comme une matière explosive non utilisable dans les fusils, parce qu’on ne savait pas en régler la combustion ; jusqu’au jour où la découverte de la poudre sans fumée a montré par quelle méthode on pouvait mettre en œuvre cette matière deux fois aussi puissante que la poudre à canon. Mais la dernière découverte a été le fruit rationnel d’une science méthodique ; tandis que le hasard et des tâtonnemens sans nombre ont présidé aux premiers perfectionnemens de la poudre à canon.

L’un des principaux obstacles que l’on rencontrait à l’origine dans l’emploi des mélanges salpêtres résultait de la difficulté d’en régler les proportions et le mode du mélange, aussi bien que d’assurer au salpêtre lui-même une puissance déterminée. Au début, en effet, le salpêtre était constitué par des matériaux de pureté variable : soit qu’on l’utilisât immédiatement, tel qu’on l’obtient en grattant les efflorescences salines produites à la surface des pierres (sal petrœ) ; soit qu’on en augmentât la dose, en lessivant celles-ci. Le produit obtenu ainsi du premier jet est susceptible de renfermer des sels fort divers, des chlorures, des sulfates par exemple, ou bien des azotates de chaux et de magnésie. Les premiers sont inactifs, les seconds ne peuvent être séchés complètement. De là une force très variable des compositions explosives, préparées en apparence d’après les mêmes méthodes et dans les mêmes proportions. Tantôt le salpêtre impur fuse lentement, si même il ne s’éteint ; tantôt, au contraire, son mélange avec le soufre et le charbon donne lieu, pendant la préparation, ou au moment de l’emploi, à des explosions subites et effrayantes.

Les praticiens ne tardèrent sans doute pas à s’en apercevoir et ils entreprirent la purification du salpêtre. C’est ainsi que dans les Arabes et dans Marcus Græcus on décrit la recristallisation de ce