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Occident dans les compilations de Marcus Græcus, dans les écrits pseudépigraphes d’Albert le Grand et dans les programmes enthousiastes de Roger Bacon. Ces auteurs donnent à la fois la composition du feu grégeois et la préparation du salpêtre, descriptions connexes dans leurs textes comme dans la fabrication elle-même. Leurs formules, perfectionnées et amplifiées, ont été reproduites dans les traités manuscrits et imprimés des XVe et XVIe siècles, notamment dans Robert Valturio, vers 1450 ; dans Birunguccio, vers 1540 ; dans le livre de Canonnerie, imprimé en 1561, etc. Léonard de Vinci a copié ces indications, ainsi que Blaise de Vigenère, à la fin du XVIe siècle. Nous arrivons ainsi en pleine lumière, et à une époque où tout mystère a disparu.

Résumons les renseignemens de ces auteurs sur la composition du feu grégeois et sur la fabrication du salpêtre : nous connaîtrons par là les progrès qui ont précédé immédiatement l’invention de la poudre à canon.

Les traités arabes qui décrivent les compositions incendiaires de l’ordre du feu grégeois, et le nouvel art de la guerre fondé sur leur emploi, remontent à des dates certaines. Tel est un ouvrage de Hassan Alrammah, auteur mort on 1295, et dont Reinaud a donné des extraits fort étendus. Le manuscrit est pourvu de peintures significatives, dont quelques-unes ont été reproduites dans le volume de Reinaud et Favé, cité en tête de cette étude. On y désigne le salpêtre sous le nom de baroud et on en expose la purification, par redissolution et cristallisation, combinées avec l’emploi des cendres de bois, c’est-à-dire du carbonate de potasse, qui transforme en salpêtre les azotates de chaux et de magnésie contenus dans le mélange original des terres salpêtrées. Le nom de baroud a été pris plus tard pour désigner la poudre à canon elle-même : ce qui a donné lieu à diverses confusions. Ibn Albaythar, auteur d’un dictionnaire de matières médicales traduit en grande partie du grec, lequel vivait vers 1240, désigne aussi le salpêtre sous le nom significatif de neige de Chine ; d’autres disent sel de Chine.

Ceci paraît indiquer l’origine, ou plutôt l’une des origines de l’invention du salpêtre, telle que les Arabes l’ont connue. Mais ce serait trop s’avancer que d’affirmer que les Byzantins l’auraient empruntée aux Chinois. Les derniers paraissent, avoir employé le salpêtre dès le Xe siècle à la fabrication des feux d’artifice et des fusées.

Le traité de Hassan-Alrammah décrit d’abord, en employant divers noms chinois, des compositions destinées aux feux d’artifice colorés, brûlant sur place ou projetés.