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l’extinction du feu, il est certain que le vinaigre pur agit à peu près comme l’eau. Mais les anciens désignaient et confondaient sous le nom de vinaigre des substances tort diverses, et notamment les mélanges du vinaigre véritable avec la saumure, mélanges riches en matériaux salins. Or lorsqu’on projette un semblable mélange sur le bois, ou sur le cuir, les sels qu’il renferme demeurent à la surface de ces derniers après l’évaporation de l’eau ; ils préservent cette surface contre l’action de l’air et déterminent ainsi l’extinction de la flamme. Pline nous apprend aussi qu’en Gaule et en Germanie on éteignait le bois enflammé avec de l’eau salée. Lors du siège du Pirée par Sylla, une tour de bois enduite d’alun résista à tous les efforts tentés pour la brûler.

C’est surtout comme agent préventif de préservation contre le feu, avant qu’un incendie fût allumé, que le vinaigre et l’urine pouvaient intervenir. En effet, ces béliers, ces tours, ces hélépoles, destinés à agir de près sur les murs des forteresses, étaient fort exposés à être brûlés ; aussi les auteurs de poliorcétique décrivent-ils en détail les précautions employées pour les préserver. On les recouvrait de plaques métalliques ; on les enveloppait avec des cuirs frais, avec de la laine mouillée, avec des algues ou des éponges humides, contenues dans des filets.

Dans la Mappœ clavicula, l’auteur entre à cet égard dans des détails minutieux ; il expose comment le bélier doit être revêtu d’abord de cuir et celui-ci de feutre ; puis vient une nouvelle couche de cuir, une épaisseur de sable, puis de la laine et du cuir encore. De telles opérations préparatoires devaient être fort longues. Pour les compléter, on versait sur ces enveloppes le vinaigre et l’urine : ces liquides pénètrent mieux le bois et le cuir que ne le ferait l’eau pure, en raison de l’action dissolvante qu’ils exercent sur les traces des matières résineuses ou grasses, existant à la surface du bois ou des peaux et qui font obstacle à leur imbibition. Les chroniqueurs rapportent que les Vénitiens, au XIVe siècle, se servirent ainsi de laine imbibée de vinaigre pour protéger leurs vaisseaux contre le feu grégeois, dans une guerre contre les Byzantins. Ce n’est pas tout : le bois ou le cuir, une fois mouillés avec du vinaigre, sèchent bien plus difficilement qu’avec l’eau pure ; surtout si le vinaigre renferme de la saumure. Par suite, les huiles et corps gras enflammés, qu’on verse à leur surface, glissent sans y adhérer. Dans la pratique, on employait encore des futs, formés de boue pétrie avec des poils, dont on enduisait les machines.

Les auteurs arabes surenchérissent sur les procédés antiques et les combinent ensemble. C’est ainsi qu’ils indiquent le procédé