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pour brûler au contact les portes des forteresses ; pour incendier à distance, au moyen des catapultes, balistes, et autres machines de jet, les maisons, tours et ouvrages de défense. On utilisait son action pour faire écrouler les murailles. Tantôt on calcinait celles-ci directement, à l’aide d’amas de bois enflammés, ou bien au moyen d’un feu localisé sous la protection de boucliers et activé à l’aide d’une soufflerie ; tantôt on en déterminait l’éboulement, après les avoir préalablement minées, et en avoir remplacé les fondations par des étais, auxquels on mettait le feu. D’autre part, les assiégés se servaient du feu pour arrêter à l’aide de bûchers amoncelés les assaillans, ou pour repousser directement par sa projection les colonnes d’assaut, pour brûler ou enfumer les mineurs dans leurs souterrains, ainsi que pour détruire les béliers de choc, les tortues et mantelets protecteurs des travaux d’approche, les hélépoles et tours d’attaque, les catapultes, onagres, balistes et pétroboles qui lançaient des projectiles.

Le feu jouait aussi son rôle, quoique bien plus restreint à cette époque, dans les guerres navales. Non-seulement on s’efforçait d’incendier les navires arrimés sur le rivage, comme dans l’Iliade, ou renfermés dans un port, par le lancement d’un brûlot, comme fit Genséric vis-à-vis de la flotte romaine ; mais on s’en servait même dans les batailles. A Actium, d’après les historiens, on attaqua la flotte d’Antoine avec des traits enflammés, des marmites remplies de charbon, des torches ardentes, et on assura ainsi le triomphe par l’action du feu. Au contraire, en rase campagne, le feu ne paraît guère avoir été usité par les anciens que comme signal ; du moins avant la connaissance du feu grégeois.

Les matières au moyen desquelles on réalisait ces effets se bornaient, à l’origine, au bois et aux combustibles analogues. Mais le génie inventif et cruel de la race humaine ne tarda pas à recourir à des moyens plus subtils et plus redoutables, spécialisés suivant la diversité de leurs destinations. Au bois, qu’il est facile de repousser et de disperser par des procédés mécaniques, et que l’on éteint par la seule action de l’eau, on substitua des combustibles fusibles, tels que la poix, les résines et le soufre, associés et mélangés, en les imprégnant dans des masses d’étoupe, ou en enduisant avec la surface des fascines et des morceaux de bois. Ce qui fait l’efficacité particulière de ces substances, c’est qu’une fois embrasées, elles coulent à la surface des objets ; elles y adhèrent, et les pénètrent, de façon à ne plus pouvoir en être écartées mécaniquement. L’eau, cessant de les mouiller, demeure presque sans action, à moins d’être projetée par grandes masses. On développait dès lors, par ces procédés, des embrasemens inextinguibles.