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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet.

Certainement, ce n’est point un mal qu’il y ait des jours où l’on s’amuse en compensation des jours où l’on s’ennuie, sans compter les jours où l’on travaille, — et puisque le 14 juillet est passé au rang des fêtes publiques, c’est tout simple qu’on le célèbre.

Si c’est toujours un peu la même chose, si c’est presque invariablement le même programme assez banal d’illuminations, de feux d’artifice, d’inaugurations de monumens ou de nouveaux boulevards, la spontanéité populaire supplée à tout, en mettant dans la fête le mouvement et la gaîté. Aussi bien, à mesure qu’on avance, cette date qui réveillait d’abord des souvenirs assez mêlés, qui a pu être un objet de contradiction, finit par se dépouiller de ce qu’elle pouvait avoir d’équivoque, de ce que l’esprit de parti y ajoutait d’irritant. La masse française, c’est évident, n’y voit plus une signification de guerre et de dissension intestine. Pour elle, cet anniversaire n’est plus que la commémoration idéale d’une époque qu’elle voit de loin, qui a été certainement, dans tous les cas, la date d’un des plus puissans mouvemens humains, le commencement d’une société nouvelle où elle a désormais sa place. Elle voit cela ou elle le sent ; elle voit aussi une occasion de promenade et de délassement qu’elle se hâte de saisir. Elle ne s’intéresse sûrement, ni aux réhabilitations de Danton, ni aux discours révolutionnaires qui ont été prononcés dans une cérémonie prétentieuse, — où le gouvernement a brillé par son absence. La masse française ou parisienne va à son plaisir ; elle va surtout, guidée par son instinct, à la revue de Longchamps, où elle voit, avec un généreux frémissement, défiler une armée qui est pour elle la vivante et saisissante image de la patrie. C’est le plus clair de ses sentimens ; c’est ce qui semble avoir été plus que jamais le caractère de cette fête nouvelle du 14 juillet qui s’est passée aussi paisiblement que possible : diversion d’un jour jetée au milieu des tracas de la politique, entre les derniers troubles