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du discours. Rien de plus : rien surtout qui indique la présence dans son auditoire d’un autre ennemi que le juif ; rien qui pousse, ou qui perce, et qui passe au-delà des murs entre lesquels il prêche, mais


…….. Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces ;


et la destruction de Jérusalem, la dispersion du peuple juif, la malédiction qui continue toujours, après dix-sept cents ans, de peser partout sur eux, tournées, pour le chrétien intransigeant qu’il est, en preuves irrécusables de la vérité de sa religion.

Il y a quelque chose d’autre, et de plus, dans les deux sermons Sur la Providence, que l’on date, l’un de 1656, et le second de 1662. Si nous en avions le loisir, l’occasion serait belle et la tentation naturelle de comparer les deux discours, pour montrer ce que six années seulement d’intervalle ont mis de différence entre deux manières de traiter le même sujet par les mêmes argumens. Mais, ce qui nous importe beaucoup davantage, on voit les libertins ici paraître en scène, et Bossuet, dans son exorde, annoncer son intention d’établir contre eux la vérité du dogme de la Providence :


De toutes les perfections infinies de Dieu, celle qui a été exposée à des contradictions plus opiniâtres, c’est sans doute cette Providence éternelle qui gouverne les choses humaines. Rien n’a paru plus insupportable à l’arrogance des libertins, que de se voir continuellement observés par cet œil toujours veillant de la Providence ; il leur a paru, à ces libertins, que c’était une contrainte importune de reconnaître qu’il y eût au ciel une force supérieure qui gouvernât tous nos mouvemens et châtiât nos actions déréglées avec une autorité souveraine. Ils ont voulu secouer le joug de cette Providence qui veille sur nous, afin d’entretenir dans l’indépendance une liberté indocile qui les porte à vivre à leur fantaisie, sans crainte, sans retenue, et sans discipline.


Mais, comme une eau qui sort en bouillonnant d’une source trop pleine, les idées de Bossuet, se pressant ici les unes les autres, si leur abondance ne le détourne pas lui-même de son principal dessein, cependant l’ensemble du discours a quelque chose encore de confus ou d’irrégulier. L’idée en est belle, elle est grande : c’est que, pour prendre notre point de perspective, et pour entendre quelque chose au plan divin de la création, il faut sortir du monde, en franchir les limites étroites, s’élever soi-même au-dessus du temps qui passe, plus haut, plus loin encore, et se transportant en espérance au jour du dernier jugement, voir de là se débrouiller la confusion des