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venir de Puerto-Real, pour assister à ce tir à boulets rouges. Le général se fit attendre et arriva en retard. La marée descendait et le vaisseau put filer ses câbles et se laisser aller à la dérive. Il eut plusieurs fois le feu à bord, mais l’équipage parvint toujours à l’éteindre et le vaisseau fut rejoindre la flotte en grande rade.

Le fort Matagorda faisait, pendant ce temps, un feu très vif et très juste contre une batterie de huit pièces de 24, que nous avions construite derrière une maison, et dont les ennemis ne connurent l’existence que quand on eut fait tomber le masque et quand elle ouvrit son feu. Cette batterie fut bouleversée.

Le feu ayant cessé le soir, on travailla toute la nuit à la réparer.

Le 22 mars, nos batteries recommencèrent leur feu sur le fort Matagorda. Elles tirèrent en salves et parvinrent à le ruiner. Sa garnison avait fait une très belle défense. Vers onze heures du matin, des embarcations de la flotte vinrent chercher ce qui restait des défenseurs. J’envoyai aussitôt ma compagnie de voltigeurs reconnaître les restes du fort. Elle en prit possession et s’établit au milieu des ruines. Un major d’artillerie anglais, plusieurs officiers et beaucoup de soldats de cette arme avaient été tués dans le fort de Matagorda. Nous y trouvâmes 17 bouches à feu en bronze, des bombes et des munitions d’artillerie. L’ouvrage était devenu intenable. Avec ses débris, on travailla à construire une batterie qui dominait la baie de Cadix. Cet emplacement était le point le plus rapproché de la ville. Sur la plage, et un peu au nord du fort Matagorda, on construisit la grande redoute Napoléon, ouvrage superbe, qui balayait une partie de la rade, et d’où on pouvait envoyer des bombes dans Cadix.

Le 23 avril, nous quittâmes le camp du Trocadero. Nous étions relevés par la 1re brigade de notre division. Nous fûmes occuper les positions qui lui avaient été assignées antérieurement, le long de la côte, depuis l’embouchure du San-Pedro jusqu’à celle du Guadalquivir. Mon bataillon fut campé entre les rivières du Guadaleté et du San-Pedro, près de Santa-Maria.

Le 15 mai, mon bataillon, relevé au camp, entra à Santa-Maria.

C’est une jolie petite ville qui ne ressemble en rien aux autres villes de l’Espagne ; il est vrai qu’il y réside beaucoup d’étrangers. Les habitans sont polis ; ils forment des sociétés aimables. De belles promenades, situées dans la ville même, sont très agréables ; on y jouit d’une très belle vue sur la rade extérieure de Cadix. La campagne des environs est riante et fertile. Santa-Maria était, avant le siège, la promenade favorite des habitans de Cadix.