Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un traitement assez efficace pour qu’on s’en tienne à lui, sans chercher autre chose ; et puis, est-il besoin de le dire ? ces médications coûteuses ne sont accessibles qu’aux classes les plus élevées de la société ; leurs résultats sont nuls au point de vue social, et ne peuvent avoir aucune influence sur le mouvement de la population, ni sur l’avenir de la race. Espérons que la médecine trouvera des moyens d’action plus efficaces dans la voie nouvelle que les découvertes bactériologiques viennent de lui ouvrir et dont il me reste à parler.


V

Lorsque le docteur Koch découvrit le bacille de la tuberculose, le monde scientifique était encore dans l’enthousiasme provoqué par les derniers travaux de M. Pasteur. Il y avait un an déjà que l’illustre physiologiste avait trouvé le vaccin du charbon, qu’il l’avait fait connaître à l’Académie des sciences, et qu’il en avait démontré l’infaillibilité, devant la Société d’agriculture de Melun, en présence d’une foule de savans étrangers attirés par l’éclat de cette épreuve décisive.

La vaccination anticharbonneuse était sortie, ce jour-là, du domaine de la théorie, pour entrer dans celui de la pratique. On avait acquis la certitude que ce mode de préservation pouvait s’appliquer à d’autres maladies, et que la découverte de Jenner n’était qu’un cas particulier d’une loi générale. Les vétérinaires étaient en voie de trouver le préservatif de la péripneumonie contagieuse des bêtes à cornes, de la clavelée du mouton, du rouget du porc, etc., et M. Pasteur se livrait, dans le silence du laboratoire, à la série de recherches qui devaient le conduire à la découverte du vaccin de la rage. Le moment était bien venu pour trouver le bacille de la tuberculose, et sa révélation fit naître les plus grandes espérances. Puisque cette maladie était le produit d’un microbe, elle devenait tributaire des mêmes procédés que les autres affections contagieuses ; et la logique conduisait à chercher le moyen de détruire le parasite dans l’organisme, ou tout au moins d’en arrêter les ravages.

Les recherches commencèrent immédiatement dans tous les laboratoires et n’ont pas cessé depuis. Chaque physiologiste a suivi le cours de ses idées et a choisi sa méthode. Les élèves de M. Pasteur ont adopté celle qui a conduit leur maître à de si brillantes découvertes : MM. les docteurs Grancher et H. Martin se sont efforcés d’atténuer la virulence du bacille avant de l’inoculer, tantôt en laissant vieillir les cultures, tantôt en les soumettant à l’action de la chaleur, parfois en se bornant à les injecter à très