rades et les aide à dételer quelques voitures, à renverser quelques omnibus : c’est une distraction comme une autre. Ils s’apercevraient bientôt, — ils peuvent s’en apercevoir déjà, — qu’ils seraient seuls, délaissés par l’opinion, le jour où ils commenceraient à troubler la masse de la population dans ses habitudes, dans ses besoins. Éternelles dupes de quelques meneurs, ils ne feraient que compromettre leur propre cause, et M. le ministre des travaux publics a pu dire récemment à Tours, avec vérité : « Si la loi sur les syndicats donne des droits, elle ne saurait donner celui de désorganiser les services publics, de faire de l’indiscipline. Si les syndiqués en arrivent à commettre des abus, à troubler leurs camarades dans le travail, eh bien ! les syndicats se condamneront eux-mêmes, et bientôt ils ne seront plus ! » Ce n’est pas tout : cette guerre qu’on prétend engager contre le patronat, eût-elle quelque apparence de succès, à quoi aboutirait-elle ? M. de Bismarck a dit un jour qu’il ne redoutait pas les grèves, qu’il craignait beaucoup plus le découragement des chefs d’industrie. Il est possible, en effet, que les patrons, traqués, pressurés, menacés, finissent par se fatiguer et par renoncer à une lutte devenue impossible, où ils risqueraient leur fortune sans compensation. Qu’arriverait-il alors ? Quel profit y trouveraient les ouvriers ? Ils auraient tari le travail dans ses sources et auraient porté un coup peut-être pour longtemps irréparable à l’industrie qui les fait vivre, qui est une des formes de la puissance de la France. Ils se seraient préparé une longue misère par leurs illusions et leurs prétentions d’un jour. C’est la moralité de ces crises, où la guerre ne conduit qu’à la ruine commune, où la paix seule peut concilier tous les intérêts.
Cependant, tout ne se réduit pas à ces agitations ouvrières dans la vie publique du pays ; tout ne se borne même pas à ces discussions douanières qui se prolongent au Palais-Bourbon, où le protectionnisme poursuit ses victoires. Il y a de temps à autre des incidens qui sont des diversions pénibles, comme cette louche aventure de semi-trahison qui a été ces jours derniers l’objet d’une interpellation de parlement. Quoi donc ! Il s’est trouvé deux inventeurs ou industriels en matière d’engins de guerre et de mélinite, qui ont eu des démêlés entre eux, après en avoir eu avec le gouvernement, après avoir même promené leur marchandise dans plus d’un pays, et qui sont allés échouer devant la police correctionnelle où ils ont été frappés d’une condamnation. Aussitôt on a cru devoir suppléer au huis-clos du tribunal par le retentissement de la tribune et porter devant la chambre cette triste affaire qui touche, c’est bien certain, à des secrets de défense nationale et d’armement. On est entré dans tous les détails, on a cherché des responsabilités. Il n’y a qu’un malheur, c’est que les débats de ce genre sont le plus souvent sans issue et qu’ils ont plus d’inconvéniens que d’utilité. Sans doute, il a été constaté qu’il y a toujours des intrigans rôdant