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trouver dans tout cela un paysage complet et achevé, sérieusement construit et définitivement établi, donnant l’impression d’une œuvre d’art méditée et individualisée, comme nous en avions pu trouver encore aux Champs-Elysées. Rien ici qui ressemble aux paysages substantiels, ordonnés, expressifs, de l’ancienne école, dus à MM. Français, Harpignies, Busson, Dernier, Lansyer et autres, ni même aux études vigoureuses, consciencieuses, lumineuses et tranches de leurs successeurs, MM. Dufour, Quignon, Petit-Jean, Rigolot, Boudot, Ballue, Bastet, etc. Les seuls tableaux de paysages dignes de ce nom sont presque tous dus à des étrangers ; encore ne leur en faut-il pas demander beaucoup, et quand nous aurons regardé M. Mesdag, avec son Soir d’été et sa Nuit sur la mer, qui, par leur accent de sincérité et leur exécution soutenue, nous rappellent les belles œuvres antérieures de cet admirable interprète de la mer, et la Veille de l’orage, par M. Moore, nous aurons vu à peu près toutes les grandes pièces. Cette Veille d’orage du peintre anglais, étude en pleine mer, d’une eau bleue, sous un horizon bleu, en train de décomposer ses nuances, sous la pesée des nuages qui s’amoncellent, est une symphonie en bleu, pleine de tonalités exquises. Il est curieux de la comparer à une petite marine de M. Whistler, qu’il intitule lui-même Harmonie en vert et opale, où la note verdâtre domine ; cette dernière est peut-être plus subtile encore. On ne saurait oublier, parmi ces passionnés de la mer pour elle-même, M. Harrison, qui nous montre encore quatre Marines traitées avec sa connaissance intime de la vague et de ses colorations ; mais ici nous rentrons dans la catégorie des simples études.

Ce ne sont, non plus, que des séries d’études, généralement très sommaires, dans lesquelles nous pouvons chercher les tendances de nos paysagistes français. Quelques-uns sont encore très vivement saisis par l’éclat brillant des choses et ne dédaignent pas de donner à leurs rochers, à leurs arbres, à leurs constructions, la solidité qu’ils constatent dans la réalité ; nous avons, notamment, la pléiade des paysagistes méridionaux qui ne sauraient, sans trop mentir, renoncer aux joies de la lumière, MM. Montenard, Dauphin, Cabrit, Gradisy etc. Leurs esquisses, en général, sont joyeuses et éclatantes, mais ils ont une tendance à traiter les choses en décor, et par des touches dures et sèches, qui les mènera vite à une manière superficielle et conventionnelle. Le sentiment de la chaleur solaire et de la solidité terrestre n’est pas inconnu non plus à certains septentrionaux, et si les esquisses, souvent larges, bien ordonnées, fortement imprégnées par le soleil, de MM. Damoye, Durst, de Meixmoron, étaient poussées au point