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impériale, qui avaient passé l’Elza à la nage, furent surpris par 3,000 hommes de cavalerie anglaise. Ils durent revenir par le même chemin après avoir été assez maltraités. Leur colonel, M. Lefebvre-Desnouettes, fut fait prisonnier, par les Anglais, dans cette échauffourée.

Le 1er janvier 1809, nous passâmes la rivière l’Elza. Les Anglais, pour retarder notre poursuite, avaient fait sauter le pont. Deux échelles furent placées le pied dans l’eau, de façon à se croiser au milieu de l’espace vide. Les hommes descendaient par l’une et remontaient par l’autre, les berges étant très escarpées. Ce passage étrange s’opérait par une nuit très noire, dans le fracas d’un torrent extrêmement rapide, gonflé par des pluies continuelles. Le temps était toujours détestable. De grands feux, élevés sur les deux rives, éclairaient tant bien que mal ce passage de rivière, qui était véritablement imposant, par la bonne volonté qu’y mettaient les troupes, le danger qu’il présentait, l’ordre et les précautions qu’il exigeait, enfin par le motif de toute cette ardeur, qui était d’atteindre l’ennemi.

Nous approchions de Benavente. A deux lieues de cette ville, il fallut passer la rivière l’Orbega, dans l’eau jusqu’aux aisselles, par un froid très vif. Cette eau de neiges fondues était glacée. Nous passâmes ensuite la nuit, tout mouillés, près du village d’Alya, n’ayant pour nous chauffer que des branches de saules toutes vertes qui ne brûlaient pas.

Le 2, nous continuions la poursuite. Le 3 janvier, on nous faisait brusquement revenir sur nos pas, dans la direction de Valladolid, où était le quartier-général de l’empereur. C’est qu’il avait reçu, par divers courriers, des nouvelles importantes.

Les Anglais avaient espéré surprendre, à Burgos, le 24 décembre, le corps du maréchal Soult, qu’ils savaient isolé. C’était un appât que leur avait tendu l’empereur et auquel ils avaient mordu. Mais ils avaient appris, vingt-quatre heures trop tôt, l’approche de l’empereur avec les corps du maréchal Ney et la garde. Les Anglais s’étaient arrêtés tout court, le 24, à Carrion, et ils avaient commencé le lendemain, vers la Corogne, une retraite que leurs habitudes et la nature du pays ne leur permettaient que d’effectuer très lentement.

L’empereur, qui avait d’abord espéré les surprendre devant Burgos, avait dirigé sa marche de façon à donner dans leur flanc gauche, et pour cela il s’était avancé jusqu’à Astorga. Mais, le 2 janvier, il avait reçu, dans cette ville, un courrier de France dont les dépêches allaient le forcer à lâcher prise avec un grand regret. On lui annonçait que l’Autriche ne dissimulait plus ses