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L’armée éprouvait une véritable indignation de l’accueil qui lui était fait. Nous bivouaquâmes devant Madrid, toujours sans feux, faute de bois. L’empereur fit dresser pour lui une tente derrière le 8e régiment. Il paraissait de fort méchante humeur.


Attaque et prise de Madrid.

Dans la nuit du 2 au 3 décembre, on disposa l’infanterie de l’armée pour l’attaque de la ville, et l’on mit en batterie contre celle-ci soixante bouches à feu. Dès que le brouillard eut disparu, l’artillerie prépara l’attaque par un feu très vif. Tous les voltigeurs du corps d’armée furent chargés de l’attaque des portes de Madrid.

Cette ville n’avait point de fortifications, mais elle était entourée d’un mur que les défenseurs avaient crénelé. Les portes étaient couvertes par des ouvrages en terre, armés d’artillerie. En arrière, on avait pratiqué dans les rues des coupures, des barricades et organisé défensivement les principaux édifices. Des habitans fanatisés se préparaient à défendre leurs maisons une aune. Les troupes régulières occupaient le Retiro et la caserne des gardes-du-corps, située en face de Chamartin. Cette caserne était très solidement bâtie, ses croisées étaient garnies de fortes grilles en fer, elle avait été crénelée et était solidement occupée. Cette caserne fut attaquée, sans succès, par un bataillon de voltigeurs, placé sous les ordres du général Maison, et ce général fut, après être resté vingt heures au feu, assez sérieusement blessé.

Mon bataillon avait été désigné pour l’attaque du Retiro. L’artillerie avait fait une brèche dans le mur d’enceinte, nous pénétrâmes dans le parc et parvînmes à nous rendre maîtres d’un grand bâtiment, situé au centre des jardins, que l’on appelait la China, c’était une manufacture royale de porcelaines. Nous nous y établîmes solidement. Maîtres du Retiro, nous dominions toute la ville, et, de cette position, notre artillerie aurait pu la détruire ; mais l’empereur voulait ménager la capitale de son frère.

Il avait fait sommer Madrid à notre arrivée, et une seconde fois quand il se vit maître des portos. La populace était complètement maîtresse de la ville et y commettait tous les excès possibles. Elle avait massacré plusieurs des autorités, les autres ne voulaient pas parler de capitulation et en accepter la responsabilité.

Le 4 décembre, enfin, dès le matin, une députation, composée de notables et de quelques-unes des autorités, se présenta, précédée d’un parlementaire, et fut admise chez l’empereur. Ces délégués furent assez mal reçus. On accorda un délai de vingt-quatre heures