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A San-Estevan-de-Gormas, nous revînmes sur nos pas pour lier notre mouvement avec ceux de la garde impériale et du grand quartier-général qui prenaient par Miranda.

Pendant que le 1er corps, de concert avec le 4e, écrasait l’armée de Black, à Espinosa et à Reynosa, les maréchaux Ney et Lannes traitaient de la même façon l’armée de Castanoz à Tudela[1].

Le 2e corps, sous les ordres du maréchal Soult, marchait, de Burgos, vers la Nouvelle-Castille menacée par les Anglais. L’empereur avait jugé que le 1er corps et la garde étaient suffisans pour entrer à Madrid.

Partis de Grayera, le 29 novembre, à minuit, nous dépassâmes peu après le bivouac de l’empereur, à Bocequillas, et continuâmes notre marche, suivis de la garde impériale.

Au point du jour, notre avant-garde rencontra les avant-postes ennemis au pied du Guadarrama. Les Espagnols occupaient Sepulveda, que notre division enleva sans difficultés.


Somo-Sierra.

L’empereur était venu de Bocequillas, la veille au soir, reconnaître la position occupée par l’ennemi. Elle était très forte, mais il espérait qu’un épais brouillard, qui, tous les matins, enveloppait la montagne, permettrait d’approcher sans être vus et gênerait longtemps les défenseurs.

Les 3,000 Espagnols qui avaient été chargés de défendre Sepulveda s’étaient promptement dispersés, mais le reste des ennemis occupait le col de Somo-Sierra, excellente position à laquelle on ne pouvait parvenir que par une gorge étroite, que suivait une route sinueuse, avec des pentes très fortes. Les flancs de ce défilé étaient si escarpés, qu’à grand’peine quelques tirailleurs seulement parvenaient à les gravir.

On ne pouvait aller à l’ennemi que par cette route. Les Espagnols occupaient fortement le col ; ils y avaient établi un camp retranché, couvert par une grande batterie de seize pièces, qui battaient toute la gorge et enfilaient la route. Nous nous avançâmes, protégés par le brouillard, les bataillons à la suite les uns des autres, en colonnes par sections, remplissant toute cette route encaissée entre les montagnes. Cet ordre de marche donnait un grand avantage à l’artillerie ennemie ; la nôtre nous était complètement inutile.

  1. Cette fois, c’est le maréchal Ney qui encourait les reproches de Napoléon. Il lui faisait écrire : « C’est une faute d’être arrivé trop tard. C’en est une autre de n’avoir pas suivi l’esprit de vos premières instructions… Vous étiez destiné à couper et à poursuivre Castanos… sans vous arrêter deux jours, comme vous l’avez fait, en pure perte, à Soria. »