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une de ses vieilles armées, et que ce qu’il pourrait faire de mieux serait d’en prendre le commandement en personne. Il rappela d’Allemagne le 1er corps, puis le 5e, puis le 6e, et enfin, la garde impériale[1].

P. V. R.


FRAGMENT DU JOURNAL DU COLONEL VIGO-ROUSSILLON.

La division Dupont (appartenant au 1er corps), dont faisait partie le 32e, avait reçu l’ordre de quitter Tilsit, le lendemain de l’entrevue des souverains sur le Niémen, pour se rendre à Berlin, où déjà se faisait sentir une certaine agitation populaire. Elle avait traversé un pays complètement dévasté par la guerre, dont les populations étaient ruinées et décimées par le typhus. Elle était arrivée à Berlin le 18 août.

Tout le 1er corps passa à Berlin, ou dans ses environs, l’hiver de 1807 à 1808. Le 32e avait construit un très beau camp de baraques à Charlottenbourg. Au mois de juillet 1808, il reçut l’ordre de se rendre à un autre camp, établi près de Wesel. Il y arrivait le 13 août. Le 16, nouvelle surprise : on annonçait au 32e qu’il allait tenir garnison à Paris.

Le régiment, arrivé à Paris le 6 septembre, apprit qu’il serait passé en revue par l’empereur, le 11, sur la place du Carrousel.

À cette revue, après avoir vu le régiment avec une bienveillance marquée et l’avoir félicité, l’empereur réunit les officiers, il leur dit « qu’il était heureux de revoir un des régimens qu’il estimait le plus, qu’à ce titre il l’avait désigné pour aller servir en Espagne, et qu’il ne tarderait pas à partir. »

Les paroles de l’empereur ne pouvaient laisser aucun doute et confirmaient les bruits répandus de nos revers en Espagne, et la nécessité d’y envoyer une nouvelle armée.

Personnellement, les officiers du 32e éprouvaient une véritable déception et une surprise désagréable ; au point de vue du patriotisme, ils étaient attristés : en entendant l’empereur, je dois avouer que tous les officiers du régiment furent consternés. Nous comprîmes alors comment nous étions restés dix-huit jours seulement au camp de Charlottenbourg, après avoir eu la peine de le construire ; comment, après avoir été envoyés de là à un autre camp, dit d’observation, à Wesel, nous n’y avions passé que trois

  1. L’empereur disait : « J’ai envoyé aux Espagnols des agneaux qu’ils ont dévorés ; je vais maintenant leur envoyer des loups qui les dévoreront à leur tour. »