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même, et qui semble d’ailleurs avoir subi, avant sa ruine, plusieurs remaniemens qui en avaient déjà modifié le caractère. M. Barbaud a étudié son sujet avec une conscience et une patience qui rendent tous ses relevés et ses projets de restauration fort intéressans à étudier. On examinera avec plaisir encore les études de M. Léon Benouville sur le Château de Vizille, ceux de M. Dausset sur le Château de Bournazel, dont le donjon date seul du moyen âge et dont la partie la plus intéressante est une très belle façade de la renaissance, dans un style solide et large qui sent le voisinage des traditions romanes; celles de M. Paul Goût sur le Cloître de l’abbaye de Saint-Jean de Vignes à Soissons ; un Vitrail de l’abside de Reims, par M. Margotin.

Deux des envois les plus curieux et les plus habilement exécutés, pour cette période, sont ceux de M. Rouillard et de M. Laffillée. Tous deux ont relevé, pour les Archives des monumens historiques, quelques-unes de ces anciennes peintures murales dont le nombre diminue chaque jour et dont il est si utile de conserver le souvenir pour l’histoire de l’art français comme pour la connaissance de l’iconographie chrétienne. Les Peintures de l’église de Pontigné (Maine-et-Loire) (une Vierge avec l’enfant et les animaux symboliques) nous montrent clairement à la fin du moyen âge l’emploi de poncifs traditionnels pour l’exécution des décorations murales et la persistance de procédés empruntés à l’art des verriers. Celles de la Chapelle de Saint-Antonin, dans l’ancien couvent des Jacobins, à Toulouse, témoignent d’un art plus personnel et plus avancé et mériteraient une étude particulière. Ce qu’on ne saurait trop louer dans les aquarelles de M. Rouillard, c’est l’exactitude émue, touchante, presque passionnée, avec laquelle il a rendu, non-seulement le caractère naïf et bizarre de ces figures détériorées, mais l’harmonie mélancolique et délicate de ces couleurs usées et de ces nuances évanouies. C’est d’une justesse et d’un charme exquis. On trouve les mêmes qualités d’impression et d’expression chez M. Laffillée, qui, dans les peintures plus rudes et plus sauvages de l’Église de Poncé (Sarthe), nous offre des représentations assez singulières de la Mort du juste, dont l’âme, sous la forme accoutumée d’un enfant emmailloté, est recueillie par un ange, et de la Mort de l’impie, dont l’âme est happée à sa sortie par un diable rouge à tête de coq, superbement crête et tirant de son bec une collection de langues aiguës à faire frémir les damnés de Dante. M. Laffillée a d’ailleurs acquis, dans ses voyages prolongés dans nos provinces, une expérience spéciale pour ce genre de travail ; l’ouvrage important qu’il vient de terminer, en collaboration avec M. Gélis-Didot, sur la Peinture décorative en