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et la logique de leurs travaux, on arriverait sans doute, en peu de temps, à familiariser beaucoup plus de gens qu’on ne croit avec ces questions de construction et de décoration, dont la connexité avec tous les autres arts est si importante à constater et à développer.

Cinq grands projets de restaurations, accompagnés de nombreux relevés et études, qui couvrent les parois des deux salles, reportent successivement notre imagination vers les civilisations les plus lointaines et les plus diverses. Le premier est la restitution du Temple de Baïon, à Angkor, dans l’Indo-Chine, par M. L. Delaporte et M. Deverin. Déjà, les années précédentes, M. Fournereau, le dernier explorateur de ces ruines gigantesques, nous avait mis sous les yeux les documens les plus curieux à ce sujet. Il était naturel, néanmoins, que celui qui l’a précédé dans ces études, celui qui le premier a signalé et analysé ces admirables monumens d’un art inconnu, celui qui, au prix de tant de fatigues, a rapporté d’Angkor tous ces beaux fragmens de sculpture qui forment le musée Khmer au Trocadéro, le lieutenant de vaisseau Louis Delaporte, résumât aussi, dans un travail d’ensemble, le résultat de ses longues et courageuses recherches. M. Delaporte, pour la mise en œuvre de ses documens, s’est associé un architecte distingué, M. Deverin. Le panorama magique qu’ils déroulent devant nous, en donnant les preuves à l’appui, est bien fait pour ravir nos yeux et troubler nos pensées.

Figurez-vous une esplanade, sur terrasse, carrée, une esplanade énorme, sur laquelle s’étagent, formant, par rangs de tailles, comme un cercle de plus en plus resserré, autour d’une tour centrale, haute de 50 mètres, une trentaine de tours pyramidales, dont la hauteur s’élève à mesure qu’elles s’en rapprochent. Chacune de ces tours-pyramides ou préasats, couvrant une cellule dans laquelle est placée une idole, est formée, à l’extérieur, par une superposition de cinq étages au moins, et se termine au sommet par deux couronnes de feuilles surmontées d’un bouton de lotus. Sur chaque face de la tour est plaqué, en relief, un masque gigantesque de Bouddha. Toutes ces tours sont reliées entre-elles par un système général de galeries sur colonnes, qui n’en laissent aucune isolée. Sur la façade, de chaque côté d’un premier prêasat, sous lequel s’ouvre la porte principale, se déploient deux de ces colonnades, laissant voir, sous leurs ombres, les parois revêtues de bas-reliefs. Toutes ces tours, du haut en bas, tous les entablemens, les siècles, les chapiteaux de ces galeries sont couverts d’une ornementation sculptée presque ininterrompue, aussi variée, aussi fine, que la broderie d’un châle ou d’un coffret des Indes. C’est