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et petite, qui ne doit pas être celle de l’auteur de la Sirène. On trouve plus de santé, de franchise dans l’Écho enchanteur de M. Pézieux, une fille de belle humeur qui s’amuse à faire de ses mains un porte-voix. Le sujet, en lui-même, n’est pas un sujet plastique. Traduire un son par des formes, c’est un problème insoluble. Pour être fidèle à son titre, M. Pézieux aurait dû nous faire comprendre, par l’attention avec laquelle sa figure écoute, qu’il y a répercussion des sous qu’elle émet. Cela lui était-il possible? En sculpture, plus encore qu’en peinture, il ne faut pas tant chercher midi à quatorze heures. On doit s’y contenter de la représentation des choses qui peuvent être comprises à première vue et par le sens de la vue. Que la voix lancée par la belle fille de M. Pézieux rencontre, ou non, un écho, cela nous importe peu, en réalité. L’essentiel est que, dans l’action même de lancer sa voix, son attitude soit juste et son geste naturel; cela suffit pour faire une bonne statue. Dans cet ordre d’idées, purement plastiques, on peut signaler encore, comme des études intéressantes et des morceaux soignés, la Baigneuse, de M. Louis-Noël, et la Seine à sa source de M. Becquet, toutes deux en marbre, ainsi que les modèles du Soir, par M. Ruckstuhl, du Lever de l’aurore, par M. Auguste Moreau, de la Soie, par M. Devaux, de la Cigale, par M. Kossowsky. Pour ces deux dernières figures, il y a quelque inadvertance dans la disposition du sujet même ou de ses accessoires. L’allégorie de la Soie, représentée, d’une part, par une femme nue élevant des deux mains, au-dessus de sa tête, une branche de mûrier pliée en cerceau, et, d’autre part, par un enfant à ses pieds jouant avec une navette, est une allégorie peu intelligible et insuffisamment caractérisée. La Cigale, de son côté, grelottant, toute nue, sur une pierre, est non-seulement une cigale peu prévoyante, mais une cigale fort distraite, car elle ne remarque pas qu’elle est assise sur une draperie, peut-être insuffisante pour en tirer un vêtement complet, mais dont elle pourrait toujours, en attendant mieux, se couvrir quelques parties du corps. Les deux figures, d’ailleurs, ne sont pas sans mérite; elles n’en auraient pas moins si elles étaient arrangées plus clairement ou moins négligemment.

Les lois de la plastique sont si exigeantes, qu’on ne saurait s’étonner de la peine qu’éprouvent les sculpteurs à trouver des sujets nouveaux qui s’y puissent aisément soumettre, non plus que des incohérences et des subtilités qu’on remarque fréquemment dans les titres de leurs groupes et statues. Ces incohérences et ces subtilités ne tirent pas d’ailleurs à conséquence, lorsque l’artiste est un véritable sculpteur et que le travail accompli dans son imagination a transformé en une vision claire et palpable ce qui a pu n’y apparaître