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l’énergie de leur vouloir et la fierté de leur pensée, l’auteur de l’Éducation maternelle et de la Musique; Henri Chapu, enfin, l’un des initiateurs les plus modestes, mais, en réalité, les plus influens de la nouvelle école de sculpture, l’un de ceux qui, le plus résolument, sans parti-pris et sans fracas, par la seule grâce d’un goût particulièrement pur et l’extrême conscience du labeur réfléchi, a rajeuni nos traditions scolaires en prenant désormais conseil un peu moins chez les Romains, beaucoup plus chez les Grecs et chez les Florentins! La Jeunesse, pour le tombeau d’Henri Regnault; la Pensée, pour celui de Daniel Stem ; les Monumens de la duchesse d’Orléans, de Mgr Dupanloup, de Gustave Flaubert, pour ne citer que les œuvres fameuses de ce doux et infatigable travailleur, dont l’activité s’étendit sur tous les genres de l’art sculptural, depuis la médaille et la plaquette jusqu’aux grandes compositions monumentales, tiendront un rang glorieux parmi les chefs-d’œuvre qui, depuis l’aurore de la renaissance, depuis Ghiberti, l’un des ancêtres de Chapu, ont su le mieux allier la noblesse du sentiment antique à la vérité du sentiment moderne. Pourquoi faut-il qu’à cette grande perte irréparable, si prématurée et si inattendue, soit venue, dès l’ouverture du Salon, s’en joindre une autre, plus prématurée et plus inattendue encore, celle d’un jeune pensionnaire de la villa Médicis, Antoine-Joseph Gardet, dont le joli Tireur d’arc avait été fort remarqué l’année dernière, et qui nous envoyait aujourd’hui un aimable groupe, le Sommeil de l’Enfant Jésus, inspiré par les bons maîtres italiens?

Les statues que Chapu et Delaplanche ont caressées, les dernières, de leur ciseau soigneux, et qui les rappellent au Salon, ne compteront pas, sans doute, dans leur œuvre, comme les pièces capitales et résumant le mieux leur haute pensée d’artiste, mais elles y prendront une place honorable et témoigneront de la sûreté de main à laquelle ils étaient arrivés tous deux, au moment même où la mort les surprenait inopinément dans leurs ateliers. La Princesse de Galles, assise, en grande toilette, dans un fauteuil de style gothico-romantique, figure aimable et réelle, à laquelle l’artiste était tenu de conserver pourtant toute la dignité officielle, ne rentrait point dans la série des sujets que Chapu avait l’habitude de traiter. Son imagination plastique, dès longtemps accoutumée à un maniement plus libre des formes expressives, a dû faire quelque effort pour s’en tenir à une reproduction si fidèle des détails infinis dont se compose, à l’heure actuelle, la toilette compliquée d’une grande dame. La conscience naïve et scrupuleuse qu’il apportait en toutes ses tâches l’a servi ici comme elle l’avait servi lorsqu’il avait dû représenter, sur une place de Corbeil, les deux