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approchait. La commission nationale renouvela au président ses instances pour la convocation des chambres et lui fit observer que, par le fait de dépenser une somme quelconque sans l’approbation préalable de la loi de finances et par le fait de conserver l’armée et la marine sans l’autorisation d’une loi, il se mettait hors la constitution et la loi. L’article 37 de la Constitution dit, en effet : « En vertu d’une loi seulement on peut : 2° fixer annuellement les dépenses de l’administration publique ; 3° fixer également chaque année les forces de mer et de terre qui doivent être entretenues en temps de paix ou de guerre. »

Mais M. Balmaceda n’avait pas l’intention de céder et, le 1er janvier 1891, il établissait, de sa propre autorité, le budget des dépenses de cette année. L’armée, loin d’être dissoute, aurait désormais une solde de 50 pour 100 plus considérable. Tous les employés non partisans du gouvernement étaient congédiés, l’état de siège était déclaré par décret, en violation du droit exclusif du parlement; les réunions publiques étaient empêchées par la force, etc. Ce iut le signal de l’insurrection. Les deux branches du congrès, ne pouvant siéger ni dans le palais législatif ni ailleurs en raison des mesures prises par M. Balmaceda, se mirent d’accord pour signer, à une grande majorité, un acte dans lequel, après avoir énuméré les violations commises par le président de la république contre la Constitution et la loi, et invoqué l’art. 27 de celle-ci, qui donne an congrès la faculté de déclarer arrivé le moment où le président ne peut pas exercer ses fonctions, soit en raison de maladie, absence ou autre grave motif, soit par cause de décès, démission ou autre empêchement absolu, on faisait la déclaration suivante : « Le président de la république, don José Manuel Balmaceda, s’est rendu absolument impossible pour continuer l’exercice de sa charge, et en conséquence il doit cesser de la remplir à partir de ce jour. » En même temps des protestations se produisirent dans tout le pays, mais la police et l’armée n’eurent pas grand’peine à les étouffer. Le 6 janvier, la résolution prise par la flotte vint changer la face des choses : celle-ci déclarait, sur l’injonction d’une note signée par le président de la chambre des députés et par le vice-président du sénat, ne plus devoir obéissance au gouvernement, et, après avoir embarqué quelques chefs de l’opposition parlementaire, elle s’éloignait de Valparaiso et allait prendre possession des provinces du nord du Chili. Plus tard, la flotte mit le blocus devant plusieurs ports, tarissant ainsi presque l’unique source du trésor chilien, le produit des douanes.

Tout d’abord, les nouvelles télégraphiques constatèrent le progrès de la révolution, et tout semblait conduire à la solution réclamée par le parlement, la démission de M. Balmaceda; mais ce résultat