Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’IDÉE DE CULPABILITE


I.

Tous les trois mois devant nos cours d’assises, et tous les jours dans la conscience des médecins-experts, des magistrats, des philosophes, se pose le problème de la responsabilité morale des malfaiteurs. Il n’a jamais été plus ardu ni plus hardiment discuté. Y a-t-il vraiment des coupables ou ne faut-il voir dans nos condamnés que des malheureux ou des malades, des damnés par prédestination héréditaire et anatomique, sinon des hypnotisés parfois? L’hypnotisme, il est vrai, dans une affaire récente, est intervenu sans succès; mais il est loin d’avoir dit son dernier mot. D’ailleurs, si la suggestion criminelle est tout au plus une simple possibilité difficilement réalisable en pratique, l’hérédité des aptitudes, bonnes ou mauvaises, n’est pas un vain mot ; le lien étroit du physique et du moral, toujours serré de plus près par nos physiologistes et nos psychologues, n’est pas une chimère. Il s’agit de savoir si, à la lumière de ces vérités, la notion de culpabilité doit disparaître, ainsi que le veulent de savans criminalistes d’Italie et d’ailleurs, et comment elle pourrait être remplacée, ou bien si elle peut être renouvelée et conciliée avec des idées en apparence hostiles, ou enfin si, par un volontaire aveuglement, elle doit être maintenue de force, imposée comme un dogme socialement nécessaire, quoique scientifiquement insoutenable?

Qu’on ne s’étonne pas trop de me voir accueillir cette troisième et dernière solution, à la vérité révoltante, celle de la loi sans