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ses anathèmes rétrospectifs dans son beau roman historique intitulé : Westward ho !


Depuis ma dernière lettre, je suis allée entendre prêcher mistress P... I.., car elle est maintenant ce que j’étais bien convaincue qu’elle deviendrait, une sœur prêcheuse. Nous nous trouvâmes dans une grande réunion de saintes sœurs et de saints frères, dont bon nombre prêchaient à tour de rôle, car comme ils sont pour la liberté de conscience, ils sont aussi pour la liberté de prêcher. Mais il y eut en tout cela plus de sermons que de science et plus de mots que de raisons. Mistress P... I... commença, mais je ne me rappelle pas bien son sermon ; seulement, lorsqu’elle eut bien soupiré et gémi sa dévotion, un saint frère se leva et fit un sermon dont voici le bref résumé :

« Frères et sœurs bien-aimés, nous sommes ici réunis en Dieu pour prêcher sa parole parmi nous en toute pureté d’esprit. Nous sommes les enfans chéris et élus du Seigneur, qui nous fait des esprits glorifiés et des âmes sanctifiées. Nous avons en nous l’esprit de Dieu qui nous inspire de prier, de prêcher, d’invoquer son nom, et aussi de lui rappeler la promesse qu’il nous a faite de nous rassembler et de nous unir dans sa nouvelle Jérusalem, afin de nous séparer des réprouvés et pour que nous ne soyons pas souillés par leur présence; car vous savez par l’esprit, chers frères, qu’ils ne sont pas les enfans du Seigneur, mais les enfans de Satan. Ils sont les enfans des ténèbres et nous les enfans de la lumière. Nous sommes glorifiés et sanctifiés par la grâce surnaturelle; nous sommes un peuple particulier, nous sommes les prophètes du Seigneur, institués pour prévoir, prédire et déclarer sa volonté et son plaisir ; nous sommes institués pour encourager les saints dans l’affliction, nous réjouir avec eux dans la consolation et les aider à présenter au Seigneur leurs soupirs, larmes et gémissemens; mais voilà que l’esprit m’inspire à cette minute de prier et de cesser de prêcher; prions donc. »

Après que le saint frère eut achevé sa prière, M. M. .. R.., qui était avec nous, enleva sa perruque et se coiffa d’un bonnet de nuit qui lui donna tellement l’apparence d’un saint frère, qu’ils le prirent pour un des leurs, et, ainsi transformé, il prêcha le discours suivant :

« Chers frères bien-aimés, nous sommes ici réunis en congrégation, quelques-uns pour enseigner, d’autres pour apprendre; mais ni l’enseignement ni l’instruction ne peuvent être donnés et reçus autrement que par des voies naturelles et conformes à l’humaine capacité, car nous ne pouvons être célestes tant que nous sommes terrestres, ni glorifiés tant que nous sommes mortels, et nous ne pouvons pas arriver à la pureté des saints et des anges tant que nous sommes soumis aux imperfections naturelles du corps et de l’esprit. Cependant,