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les factieux en son nom. Il se présentait comme le seul prince de la maison de Bourbon qu’on n’accusât pas d’être l’ennemi de la nation. Le choix de sa personne, disait-il cavalièrement était indiqué non-seulement par la nature, mais par la nécessité des choses. Ces velléités d’audace durèrent, sans doute, fort peu et ne furent suivies d’aucun résultat. En tout cas, dès le 27 janvier 1790, Mirabeau est revenu de ses illusions et dégoûté de son candidat, « Du côté de la cour, écrit-il à La Marck, quelles balles de coton ! quels tâtonnemens ! quelle pusillanimité ! quelle insouciance ! quel assemblage grotesque de vieilles idées et de nouveaux projets, de petites répugnances et de désirs d’enfans, de volontés et de nolontés, d’amours et de haines avortés ! Ce qui est au-dessous de tout, c’est Monsieur. Imaginez qu’on avait été jusqu’à lui donner de tels moyens d’argent que si votre valet de chambre avait à les offrir, il entrerait au conseil pour peu qu’il le voulût, et Monsieur n’y entrera probablement pas. »


VI.

Comme le disait Mirabeau, il n’y avait dans l’entourage du roi qu’un homme, la reine. Ce fut elle, en effet, qui au commencement de l’année 1790 décida Louis XVI à accepter enfin des conseils offerts depuis 1788, si souvent et si maladroitement écartés. Que d’épreuves avait dû traverser la malheureuse femme pour en arriver à une extrémité qui, moins d’un an auparavant, lui eût fait horreur! Longtemps frivole et inconsidérée, Marie-Antoinette ne retrouva quelque chose du caractère énergique de sa mère que sous l’influence du malheur. Les journées des 5 et 6 octobre produisirent dans son esprit une révolution. Elle s’y montra pleine de dignité et de courage. Le roi, jusqu’alors défiant, comprit tout ce qu’il pouvait attendre d’une telle alliée, et autant que le permettait l’inertie de sa nature, chercha auprès d’elle un appui moral dont il n’avait jamais eu un plus grand besoin.

Plus intelligente que son mari, plus effrayée aussi de la situation, la reine voyait, avec une inquiétude croissante, s’évanouir chaque jour une des prérogatives de la royauté, l’anarchie s’accroître et les violences populaires se renouveler. Plusieurs fois, elle avait repoussé les propositions du comte de La Marck; au mois de septembre 1789, elle lui écrivait encore : « Nous ne serons jamais assez malheureux, je pense, pour en être réduits à la pénible extrémité de recourir à Mirabeau. » Quelques mois plus tard, elle n’avait pas changé d’avis sur le compte du personnage. Elle n’oubliait pas que, le 5 octobre, Mirabeau, en la dénonçant à la