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en vraie capitale du Midi, s’est piquée de lui offrir tous les attraits, tous les spectacles, même des arcs de triomphe auxquels il ne s’attendait peut-être pas! Il a couru à travers ces belles contrées pyrénéennes, visitant tour à tour et Tarbes, et Pau, et Bayonne, et les Landes, où il a été mis en réquisition pour inaugurer la statue de Borda.

Le Midi est toujours expansif. Les ovations n’ont pas été ménagées à M. Carnot, pas plus que les discours quelquefois un peu prolixes, auxquels il a été obligé de répondre. Peu d’excursions sont assurément mieux faites pour flatter l’orgueil d’un homme. M. le président de la république n’a rencontré partout qu’un accueil cordial et empressé. Il a pu voir accourir sur son passage, des départemens qu’il traversait et des départemens voisins, toutes sortes de députations, parfois assez originales. Il a vu se presser autour de lui toutes les autorités, cela va sans dire, les chefs du clergé, les chefs de l’armée, et même, sur bien des points, les représentans conservateurs des conseils-généraux. Rien n’a manqué aux fêtes du voyage présidentiel. Qu’en faut-il conclure ? que signifie cet empressement après tout assez spontané, autour du chef de l’État? il a en vérité un sens bien simple. Il signifie qu’en dehors des agitations factices que l’esprit de faction entretient dans la masse vivante, régulière et laborieuse de ce pays éprouvé, il y a un immense désir de paix intérieure, de conciliation. Il signifie que ces populations, étrangères aux subtilités ou aux ressentimens des partis, éprouvent le besoin, toutes les fois qu’elles en ont l’occasion, d’aller droit à celui en qui elles croient retrouver la direction et la protection. Prince couronné ou magistrat temporaire, elles ne distinguent pas, elles voient en lui le premier représentant de la France, l’autorité souveraine. Elles lui demandent à leur façon l’ordre et la sécurité dont elles ont besoin dans leur travail. C’est la réalité qui est au fond de ces manifestations, de cet accueil fait au chef de l’État.

Que tout ne se soit pas passé sans incidens au cours de cette promenade à travers le Midi, qu’il y ait eu quelque dissonance qui a disparu dans le bruit des fêtes et des discours, cela se peut, on l’a dit. On a prétendu que pendant son séjour à Toulouse, recevant des maires d’un département voisin qui lui portaient l’invitation de passer sur leur territoire, M. Carnot aurait répondu qu’il irait les visiter quand ils auraient conquis leur pays à la république. Ce langage a été nécessairement dénaturé, ou infidèlement reproduit pour plus d’une raison. D’abord M. le président de la république est un homme bien élevé et mesuré, qui sait ce qu’il dit, qui ne répond pas à une politesse par une boutade de mauvaise humeur et qui ne subordonne pas ses visites à des calculs électoraux. Puis, le procédé ne serait peut-être pas sûr