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au moins dans la partie droite de sa scène d’infirmerie, Chez les Sœurs. Les vieilles gens, avec l’enfant, assis sur le banc, semblent d’une exactitude un peu froide. La partie gauche, éclairée par une fenêtre, devant laquelle une religieuse examine au jour l’œil d’une petite malade que soutient une autre religieuse, est, au contraire, traitée avec une simplicité nette et large qui implique un progrès réel dans la technique de ce compositeur distingué.

Nous ne saurions énumérer tous les intérieurs de couvens et d’hospices, tous les intérieurs d’ateliers et de fabriques, tous les intérieurs de chambres à coucher, salles à manger, cuisines qui ont servi de prétextes à étudier, entre des murs, parmi des mobiliers, les combats ou les accords de la lumière plus ou moins emprisonnée, en y plaçant des figures appropriées. L’amateur dont les yeux sont suffisamment exercés pour goûter les analyses de ce genre y trouvera des joies délicates. L’un des créateurs du genre, M. Dantan, y réussit encore à souhait, cette année, dans son atelier de sculpteur où un vieil artiste est en train de procéder à la Restauration d’une statue de marbre, en étudiant son morceau d’après le modèle vivant. M. Dantan a déjà traité des sujets semblables, et on l’a fort imité depuis ses premiers succès; mais personne, en somme, ne s’entend mieux que lui à faire jouer, dans une harmonie un peu froide, mais extrêmement douce, la blancheur mate des plâtres, la blancheur brillante des marbres, la blancheur grisâtre des tissus, avec les blancheurs rosées de la chair vivante, dans la clarté égale et reposée d’un jour du nord. Le Cloître, de M. Sautai, est encore une de ces études de murs nus et blancs auxquels cet artiste sait donner, par la gravité d’une étude prodigieusement attentive, un charme inexplicable de poésie recueillie. La religieuse qui passe dans ce cloître pourrait le quitter; cette maçonnerie, transfigurée par la délicatesse du pinceau, n’en resterait pas moins intéressante ; c’est vraiment là une marque bien frappante de la magie de la peinture qu’elle puisse ainsi transfigurer, par la seule sincérité du rendu, l’objet matériel le moins expressif en apparence. M. Dawant, aussi, a peint avec soin et respect l’intérieur de l’église d’Einsiedeln, au moment de la Fin de la messe. Les Suissesses qui cheminent sous les voûtes sont bien saisies dans leurs allures et leurs physionomies. Ce n’est pas de l’art tapageur, ni qui saute aux yeux, mais c’est de l’art sérieux et consciencieux, dont l’honnêteté devient un charme et qu’il ne faut pas dédaigner. On trouve encore des notes charmantes, d’une sensibilité réelle, dans certaines scènes intimes, telles que la Petite garde-malade, par M. Edouard Durand, les Longs Jours, de M. Léandre, l’Ouvrière de M. Breauté, la Lettre de Jacques de M. Penfold.