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LES
SALONS DE 1891

I.
LA PEINTURE AU SALON DES CHAMPS-ELYSÉES.

La discorde qui, l’année dernière, a séparé les artistes en deux camps, ne semble pas en voie d’apaisement. Au train dont vont les choses, nous serons bien heureux si, l’été prochain, l’on n’ouvre pas des Salons, ou du moins des expositions générales se parant de ce titre, à toutes les extrémités de Paris. Déjà l’amateur le plus infatigable et le plus résolu se trouve dans l’impossibilité de répondre aux innombrables invitations qui l’appellent durant l’hiver et le printemps, dans les cercles, dans les magasins, dans les ateliers, dans les salles de vente, pour y admirer les œuvres de tel ou tel groupe, de telle ou telle collection, de tel ou tel artiste. Nous voilà maintenant menacés d’un troisième Salon organisé par ceux qui n’ont point trouvé place dans les deux autres. La peinture, soit dit sans irrévérence, envahit le monde plus que de raison. Cette vulgarisation excessive de l’art accoutume les artistes au laisser-aller et le public à l’indifférence. L’on va tout voir encore par mode et par habitude, mais on ne regarde plus rien avec passion ni intérêt. La conséquence forcée de cette production irraisonnée et de cette curiosité banale ne saurait être, en vérité,