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qu’une grossière imitation de nos bronzes et autres objets de vente, nous délaissèrent, causant dans nos fabriques une crise économique des plus douloureuses. La guerre, mais une guerre industrielle, nous était déclarée par le prince impérial d’Allemagne, en 1881, lorsqu’en inaugurant le musée d’art industriel de Berlin, il prononçait ces paroles : « Nous avons vaincu la France en 1870 sur les champs de bataille, nous voulons désormais la vaincre sur le terrain du commerce et de l’industrie. »

En Angleterre, on ne veut plus aussi que des artistes et des ouvriers anglais, un art national et une industrie nationale. L’évolution qui se fait chez elle est des plus marquées, ainsi que l’on peut s’en convaincre par un séjour de quelques semaines à Londres. Les petits pays du nord suivent la même voie, tous entraînés dans un mouvement de patriotisme qui doit nous servir d’exemple. Est-ce que le discours du prince allemand, les écoles industrielles ouvertes jusque dans les bourgades de la Suisse et de la Belgique, les musées, où la jeunesse studieuse de chaque pays est chaque jour appelée, ne suffisent pas pour indiquer quelle éclipse menace notre génie national, si nous n’y prenons garde ?

Les rapports de patiente enquête, dont nous avons donné un résumé peut-être trop succinct, doivent recevoir une consécration pratique, et, pour cela, il faut que notre système de musées et d’écoles soit scrupuleusement inspecté et comparé au système qui fonctionne chez nos rivaux. Si celui-ci est en progrès sur nous, hâtons-nous, sans fausse honte, de profiter de l’expérience d’autrui.

Jusqu’ici, la France a été première dans les arts industriels, mais elle perdra infailliblement ce rang glorieux et envié, si, satisfaite d’une prépondérance bien acquise, elle croit qu’il lui suffit, pour la garder, de s’y complaire les bras croisés.


EDMOND PLAUCHUT.