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d’un seul : il se divisa. Les différentes branches de la philologie se formèrent l’une après l’autre, la critique de texte avec Gottfried Hermann, l’épigraphie avec Böckh, l’archéologie avec Gerhard et Otfried Müller, la mythologie avec Welcker, la grammaire avec Buttmann, l’histoire ancienne avec Niebuhr, l’histoire de la philosophie avec Tennemann et Ritter, sans parler de tant d’autres. Il n’y eut plus de prêtres de l’humanité : mais il y eut des savans étudiant l’antiquité avec un sérieux et une largeur d’esprit que le siècle précédent n’avait pas connus. La religion s’était dissipée, mais le respect survivait. Le mouvement de rénovation ne demeura pas circonscrit à l’Allemagne : toutes les nations de l’Europe y prirent part. A l’imitation de la philologie classique, il se forma une philologie orientale, germanique, romane; l’exégèse sacrée emprunta les procédés de l’exégèse profane ; l’histoire du moyen âge, l’histoire moderne, vinrent prendre place à côté de l’histoire ancienne; la linguistique appliqua à toutes les familles d’idiomes les méthodes qui avaient d’abord été essayées sur le grec et le latin. Quoique d’autres causes aient concouru à développer ce grand ensemble de sciences, il est certain que la première impulsion est partie de la philologie classique. Elle a donné l’exemple, elle a fourni les modèles, elle a inspiré de son esprit toute cette armée de travailleurs.

L’enseignement secondaire devait naturellement se ressentir de cette activité. Herder avait déjà dit : — « Une édition, une traduction, une vraie interprétation de tel ou tel poète, philosophe, historien, est à mes yeux d’un prix inestimable. C’est une pierre à l’édifice que nous élevons pour les âges à venir. » — L’opinion s’établit que les maîtres de la jeunesse ne devaient pas rester étrangers à l’œuvre commune. L’idée de l’obligation du travail personnel, ou, en d’autres termes, d’une éducation savante du professeur, vient de là. Au moyen âge, on enseignait d’après des cahiers qui passaient de main en main. Encore au XVIIe et au XVIIIe siècle, ce que les maîtres devaient surtout posséder, c’étaient les qualités de la raison et du goût. L’école de Wolf exige quelque chose de plus. Il faut que le professeur soit au moins un soldat dans l’armée commandée par les princes de la science. Il faut qu’il soit au moins en état de comprendre leur langage, de suivre leurs progrès et de communiquera la jeunesse quelque idée de cette grande enquête, quelque étincelle de cet enthousiasme. Le labeur continuel de la classe, s’il n’est pas relevé par la curiosité scientifique, finit par abattre et déprimer les esprits : l’enseignement devient machinal, les résumés se substituent aux textes, avec le savoir original s’en vont la foi et le respect des études.