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latin. L’usage s’en est depuis perdu dans la vie ordinaire, mais il s’est conservé dans le monde de l’enseignement. On sait que la Sorbonne y est restée longtemps fidèle. Encore aujourd’hui, beaucoup d’universités allemandes possèdent un professeur d’éloquence chargé de rédiger et de prononcer dans les grands jours les allocutions latines. L’historien italien Villari dit que le discours latin, au XVIe siècle, tenait à peu près la place que tient la musique aujourd’hui. Comme on a de la musique aux distributions de prix, c’est peut-être pour cela que le discours latin a disparu.

Il est aisé de voir la différence avec le moyen âge. Le latin devient chose d’apparat. La forme prend une importance qu’elle n’avait pas jusque-là ; même la correspondance se fait œuvre littéraire. Mais cette renaissance eut un effet bien imprévu. Du jour où il fut entendu que le seul bon latin était le latin classique, le latin devint une langue morte. Une ligne de démarcation beaucoup plus apparente et plus tranchée s’établit entre lettrés et ignorans.

Cependant, vers la fin du XVIe siècle, l’enthousiasme des premiers jours se calma peu à peu. On reconnut que les lettres latines avaient de moins en moins leur place dans les affaires de ce monde, en face des littératures modernes, italienne, française, anglaise, qui grandissaient alors, et qui se développaient précisément sous l’influence des études latines et grecques. Mais l’impulsion donnée subsista dans les écoles, car il est naturel que l’enseignement marche d’un pas moins accéléré que la vie du dehors. Le XVIIe siècle ne fait pas autrement que le XVIe. On continue d’écrire en latin au collège. Les maîtres de la jeunesse, clercs ou laïcs, soit souvenir de l’âge précédent, soit attachement à des exercices où ils avaient brillé eux-mêmes, continuent de promettre, en échange du latin, réputation et honneurs à leurs élèves. Il faut d’ailleurs considérer que ces élèves, se destinant pour la plupart soit à l’Église, soit aux charges judiciaires, devaient dans la suite de leur vie rester plus ou moins en contact avec l’antiquité sacrée ou profane.

Au commencement du règne de Louis XIII, les signes d’un temps nouveau commencent à se montrer. La littérature française est arrivée à sa période d’éclat. Le savant qui affecte d’écrire en latin ne tardera pas à s’appeler le pédant, et ce que le XVIIe siècle redoute par-dessus tout, c’est le soupçon de pédanterie. Perrot d’Ablancourt, en présentant au public une de ses traductions, dit qu’il a retranché les citations d’Homère, « qui ne seraient maintenant que pédanteries : » car il s’agit « de galanterie, et non pas d’érudition... »

Si maintenant nous nous demandons pour cette époque, comme nous l’avons fait pour le moyen âge, ce que nos études en ont