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tot frigidæ glossulæ, concordantiæ, discordantiæ, et si quæ sunt aliæ ingenii remoræ ! Y a-t-il pire fléau ? Quæ sævior pestis esse potest ? Ce sont des maîtres d’ignorance, inscitiæ magistri. Il faut aller aux sources, cultiver les anciens Latins, s’attacher aux Grecs, sans lesquels on ne saurait profiter de la littérature latine. Sapere audete, veteres Latinos colite, Græcos amplexamini, sine quibus Latina tractari recte nequeunt. Il faut étudier les choses, non l’ombre des choses, pour ne pas retomber dans l’erreur d’Ixion, qui, croyant s’unir à Junon, n’avait embrassé qu’un nuage. — Nous verrons à toutes les époques reparaître la même exhortation, qu’il faut laisser là les mots et s’attacher aux choses ; on retournera le reproche plus tard, et avec autant de raison, contre le savoir de la renaissance : c’est que le verbalisme est toujours aux aguets, prêt à se saisir de tout enseignement qui se complaît en lui-même. C’est l’histoire de l’instruction en général, et c’est, si nous n’y prenons garde, notre histoire à chacun de nous en particulier.

Non-seulement on voulait connaître la vraie antiquité, mais on avait la prétention de l’égaler et de la continuer, en rayant de l’histoire, comme non avenus, les siècles d’ignorance qui venaient de finir. Quand les latinistes de la Renaissance se traitent l’un l’autre de Virgile moderne, d’Ovide chrétien, d’Horace allemand, ce ne sont pas de purs complimens qu’ils s’adressent en manière de politesse : ils croient véritablement que la littérature antique va refleurir.

Une sorte d’enthousiasme savant avait fait tourner toutes les têtes : on était avide d’éloquence latine et de poésie latine. En 1529, un directeur du gymnase de La Haye (nous dirions un proviseur), Guillaume Gnapheus, s’indignant de ce que son siècle avait ses Cicéron et ses Tite-Live, ses Virgile et ses Démosthène, mais qu’il n’eût pas encore ses Ménandre et ses Térence, tente de combler la lacune, et écrit une comédie intitulée Acolastus, dont le sujet est l’histoire de l’enfant prodigue. La liste des personnages suffit pour donner une idée de la pièce. On trouve à côté d’Acolastus, l’enfant prodigue, un parasite Pamphagus, un confident Eubulus, un leno du nom de Sannio, une courtisane Laïs, un paysan Chrêmès, etc. La langue d’ailleurs est excellente. Térence ne l’aurait pas désavouée : il l’aurait plutôt reconnue comme sienne.

Mais c’est le discours latin qui est le morceau capital. Il fut de mode dans les cours d’entretenir des orateurs, — oratores, — pour prononcer, dans les occasions importantes, des harangues en latin. Lors d’une réunion de souverains qui eut lieu à Vienne en 1515, et à laquelle assistaient vingt-deux personnages princiers, on entendit vingt-deux morceaux d’éloquence latine récités par dix-huit professeurs ou orateurs. Il n’y avait pas de belle fête, soit mariage, soit enterrement, soit réception de princes, sans discours