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rente 3 pour 100 au montant de 500 millions de francs. Dans ces conditions, la hausse, ou tout au moins le maintien des cours, s’imposait ; la haute banque n’épargnerait pas ses efforts pour écarter tous les motifs de baisse ; les dispositions visiblement mauvaises du marché de Londres ne prévaudraient point contre la coalition des marchés continentaux intéressés à la fermeté des valeurs internationales.

Quant aux incidens, spéciaux à notre place, qui avaient marqué les derniers jours d’avril, attaques contre le Crédit industriel, et baisse considérable de la Banque d’escompte et des valeurs de son groupe, comme les Aciéries de France et les Établissemens Decauville, ils ne pouvaient avoir d’influence prolongée sur l’ensemble des transactions. On savait d’ailleurs que déjà tout danger de ce côté était conjuré.

La liquidation s’est donc effectuée sans encombre, et nos fonds publics ont été compensés à des cours fort élevés : 94.65 le 3 pour 100 ancien, 93.05 l’emprunt, 94.65 l’amortissable, 104.55 le 4 1/2. Les taux des reports étaient modérés ; rien d’anormal ne s’était annoncé ; on avait pu constater seulement que le nouvel emprunt, très mal classé, pesait assez lourdement sur la place, et il était assurément fâcheux, peu rassurant même, qu’un écart de 1 fr. 60 se maintînt entre l’ancien fonds et le nouveau.

Le lendemain, la liquidation des valeurs révélait une surcharge sensible à la hausse, notamment en valeurs étrangères de tout ordre. Il apparaissait que l’hostilité du marché anglais à l’égard des fonds portugais ne perdait rien de son acharnement. Quant à la journée du 1er mai, elle n’avait pas tenu tout ce qu’en attendaient les optimistes au point de vue de la tranquillité et du caractère pacifique des revendications ouvrières.

On pouvait encore se demander dans quel sens s’orienterait le marché ; mais bientôt toute incertitude allait se dissiper. Dès le lundi 4 mai, la tendance à la baisse se dessinait très nettement, et les jours suivans la baisse dégénérait en déroute. La spéculation anglaise en donnait le signal en jetant toutes valeurs par-dessus bord, et surtout en procédant, avec une implacable résolution, à l’effondrement du crédit du Portugal.

Tout a contribué, pendant cette lamentable semaine, à déterminer la panique. Avec les malheurs de Fourmies on a eu les grèves de mineurs et l’agitation pour la révision électorale en Belgique. On apprenait à la fois que de grands établissemens de Londres étaient aux prises avec de nouveaux et graves embarras, et que la maison de Rothschild ajournait l’emprunt russe. La Banque d’Angleterre élevait le taux de son escompte, et la Banque du Portugal se voyait forcée d’interrompre le paiement en or de ses billets. Les dépêches propageaient les rumeurs les plus sinistres sur l’état politique en Belgique, dans le Portugal et même en Espagne. On commençait enfin à se