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voulons suivre dans leurs applications à un état anormal les principes généraux de ce qu’on a appelé « l’automatisme psychologique. »

Rappelons d’abord que le cerveau est régi par deux grandes lois : l’excitation et l’arrêt (ou « inhibition »). L’excitation du cerveau sur un point déterminé produit par cela même un arrêt sur d’autres points du cerveau ou du système nerveux. Enlevez à un animal ses hémisphères cérébraux, l’excitabilité réflexe de la moelle épinière sera augmentée ; la moindre excitation produira des convulsions énergiques. De même qu’il y a ainsi dans le cerveau des ondes vibratoires qui se contrarient et s’annulent, il y a dans la conscience des idées et tendances qui se font opposition et peuvent même se neutraliser. La conscience, elle aussi, est régie par deux grandes lois : concours des forces mentales et conflit des forces mentales.

Ces lois du cerveau et de la conscience s’appliquent au sommeil, naturel ou artificiel. Chaque cellule cérébrale est comme un homme dans une foule pressée qui joue des coudes pour se maintenir et s’avancer dans sa direction propre. Paralysez un groupe d’hommes dans la foule sur un point important, ils n’opposeront plus de résistance aux mouvemens du reste de la foule, et la résultante générale sera modifiée en faveur de ceux qui auront conservé l’usage de leurs membres. C’est précisément ce qui a lieu dans le sommeil naturel et dans le sommeil provoqué, où certaines parties du cerveau, celles qui président à la direction des pensées et des actes, sont réduites à un état d’arrêt plus ou moins considérable.

Le sommeil hypnotique peut être produit par des causes physiques, telles que la fixation d’un objet ou une stimulation monotone : on peut ainsi endormir un enfant ou un animal, qui n’a point d’avance l’idée de ce qui va se passer. Mais, si l’on y regarde de plus près, il y a encore ici un élément psychique. La fixation du regard, étant une fixation de l’attention même, produit une sorte d’idée fixe ou de « monoïdéisme » artificiel ; aussi peut-on soutenir que, même en ce cas, il y a une cause psychologique à l’hypnotisme. Les excitations uniformes des sens émoussent la sensibilité ; c’est une loi générale : une sensation d’odeur uniforme et répétée finit par user l’odorat ; de même pour le goût. On connaît le phénomène de la crampe. La concentration de la volonté et de l’attention sur une idée quelconque amène la fatigue de l’attention en ce sens, la crampe de la volonté. Le phénomène est encore plus manifeste quand l’idée fixe est celle même du sommeil, qui est l’affaissement du vouloir. Nous avons alors : 1° une volonté que sa tension fatigue et porte à se détendre, et 2° un ensemble simultané de sensations de détente constituant l’idée du sommeil. À cette idée