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même, et le mouvement est, au point de vue philosophique, un effet extérieur, dérivé du conflit des appétitions.

En somme, nous n’admettons pas de brèche au mécanisme par une intervention directe et en quelque sorte mécanique du mental dans le physique même, mais nous n’admettons pas davantage deux règnes parallèles avec harmonie préétablie ; nous croyons que le mental est le fond, et que le mécanique pur est une forme de représentation, un symbole à l’usage de la pensée.


II

Au point de vue des tendances philosophiques, la rivalité de l’école de Paris et de l’école de Nancy n’est qu’une application à un cas particulier du grand problème concernant le physique et le mental. L’école de Paris ne considère les phénomènes de conscience que comme les indices des mouvemens organiques, sans action propre. L’idée, dit par exemple M. Binet, « n’est qu’une apparence, mais derrière elle se cache l’énergie développée par une excitation physique antérieure. » M. Richet parle de même. L’école de Nancy, elle, attache beaucoup plus d’importance au mental ; elle a même contribué à mettre en évidence l’action de l’idée dans l’hypnotisme et, par extension, dans les phénomènes de la vie normale ; mais elle ne semble pas toujours se souvenir que l’idée n’agit point mécaniquement, à la manière d’une bille qui en pousse une autre. Nous venons de le voir, ni la conception des faits de conscience comme purs reflets, ni leur conception comme intervenant directement dans la trame mécanique des phénomènes, ne représentent exactement le vrai mode d’action des faits de conscience, le vrai rapport du physique au mental. Quand on ne s’occupe, par abstraction, que des relations physiques ou mécaniques, il est clair qu’il ne faut introduire dans le problème que des données mécaniques, — masse, vitesse, etc., — et non pas des faits de conscience ; mais, d’autre part, quand on considère les relations et qualités d’ordre psychologique, il ne faut pas s’imaginer que les lois du mouvement suffisent à en rendre compte. On ne demande pas quelle est la couleur d’un son : il ne faut pas demander davantage quelle est la force mécanique d’un fait de conscience, et pas davantage quelle est la force psychique d’un phénomène mécanique. Sans prétendre ici faire la complète psychologie de l’hypnotisme (ce qui, en l’état actuel de la science, paraît impossible), nous