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de l’empire, leurs paroles et leurs actes appartiennent à l’empereur ; en conséquence, il en use contre tous ses ennemis, contre tout rival, rebelle ou adversaire, contre les Bourbons, contre les conscrits réfractaires, contre les Anglais et les Russes, enfin contre le pape.


X

Ceci, comme l’expédition de Russie, est son grand et dernier coup de dés, la partie décisive et suprême qu’il engage en matière ecclésiastique, comme l’autre en matière politique et militaire. De même que, par contrainte et sous sa conduite, il coalise contre le tsar toutes les forces militaires et politiques de son Europe, Autriche, Prusse, confédération du Rhin, Hollande, Suisse, royaume d’Italie, Naples, et jusqu’à l’Espagne, de même, par contrainte et sous sa conduite, il coalise contre le pape toutes les autorités spirituelles de son empire. Il assemble en concile les quatre-vingts prélats disponibles de l’Italie et de la France, il se charge de les discipliner, il les fait marcher ; par quel emploi de toutes les influences, il faudrait un volume pour le dire[1] : argumens théologiques et canoniques, appel aux souvenirs gallicans et aux rancunes jansénistes, éloquence et sophismes, manœuvres préparatoires, intrigues à huis-clos, scènes publiques, sollicitations privées, intimidation croissante, rigueurs effectives, treize cardinaux exilés et dépouillés de leurs insignes, deux autres cardinaux détenus à Vincennes, dix-neuf évêques d’Italie transférés en France sous escorte, sans pain et sans habits, cinquante prêtres de Parme, cinquante prêtres de Plaisance, et cent autres prêtres italiens expédiés et internés en Corse, toutes les congrégations d’hommes en France, Saint-Lazare, Mission, Doctrine chrétienne, Saint-Sulpice, dissoutes et supprimées, trois évêques du concile saisis dans leur lit au petit jour, mis au cachot et au secret, forcés de donner leur démission et de promettre par écrit qu’ils n’entretiendront aucune correspondance avec leurs diocèses ; arrestation de leurs adhérens dans leurs diocèses, les séminaristes de Gand convertis en soldats, et, sac au dos, partant pour l’armée, des professeurs de Gand, les chanoines de Tournay et d’autres prêtres belges enfermés dans les châteaux de Bouillon, Ham, et Pierre-Châtel[2] ; vers la fin, le concile subitement dissous, parce qu’il lui vient des scrupules, parce qu’il ne cède pas

  1. D’Haussonville, t. III, IV et V, passim.
  2. Mémoires, par M. X.., IV, 358.)