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brillante ; puis, quand les huiles légères sont épuisées, l’ascension du liquide dans la mèche se fait difficilement, la température baisse, le courant d’air se ralentit, le charbon n’est plus incandescent et la mèche de la lampe charbonne bientôt. C’est là un des moindres dangers de la falsification et du mélange de toutes sortes d’huiles : à Bakou, du moins, les fraudes ont été sévèrement réprimées.

Un autre avantage du pétrole russe, c’est que son flashing-point, c’est-à-dire son point d’inflammation, est beaucoup plus élevé que celui du pétrole américain. Il faut, en effet, qu’une masse de pétrole, pour présenter toutes les conditions de sécurité, non-seulement ne s’enflamme pas immédiatement au contact d’une allumette, mais encore éteigne l’allumette qu’on y aura jetée. Il faut de plus que le pétrole ne s’enflamme pas spontanément aux températures ordinaires. Pour faciliter le contrôle de ces propriétés exigées par tous les gouvernemens, on a inventé divers instrumens dont le plus connu en Europe est celui d’Abel : il se compose essentiellement d’un godet entouré d’un bain-marie dont la température, notée par un thermomètre, peut être graduellement élevée ; les vapeurs du pétrole versé dans le godet sont, de temps à autre, mises en communication avec la flamme d’une lampe qui s’éteint dès que le pétrole s’enflamme. On note ainsi, et le flashing-point, à l’aide d’un thermomètre, et la densité du pétrole à l’aide d’un aréomètre. Le flashing-point du pétrole russe est en général beaucoup plus élevé, si nous négligeons les pétroles fabriqués pour des exigences spéciales, que celui du pétrole américain, puisque celui-ci est de 24 à 27 degrés, et celui-là de 32 à 35 (appareil Abel). En particulier, le flashing-point du Standard-White américain est de 25 degrés (Abel), tandis que celui du pétrole de MM. Nobel frères est de 32 degrés (Abel). Le minimum exigé en Europe est de 21 degrés (Abel) ; on pourrait s’étonner qu’il ne soit pas plus élevé, mais l’appareil indique une température trop basse, et 21 degrés (Abel) valent 30 ou 31 degrés centigrades ; ce minimum est donc suffisant, et, d’ailleurs, il est généralement dépassé. Ajoutons qu’en France, ce n’est pas 21, mais 27 degrés (Abel) qu’on exige, ou, pour employer l’appareil le plus connu dans ce pays, 35 degrés (Granier) ; cette mesure est tout à l’avantage du pétrole russe.

En somme, si le naphte de Bakou est assez pauvre en kérosine, la kérosine qu’on en extrait est plus homogène, plus éclairante, plus commode et moins dangereuse que le pétrole de Pensylvanie ; et encore, à Bakou, la kérosine forme, en réalité, 30 pour 100 et non pas 27 pour 100 du naphte brut ; seulement il s’en perd 3 pour 100 dans le raffinage complémentaire que nous allons maintenant étudier. La kérosine, une fois distillée, est conduite dans un