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de préférence, a pris ses prélats dans les anciennes familles nobles ; habituées de Versailles, elles considèrent l’épiscopat comme un don du prince et non du pape, comme une faveur laïque réservée à leurs cadets, comme un cadeau que le souverain fait aux gens de sa chambre et de son antichambre, à la condition sous-entendue que le courtisan promu restera courtisan sous la mitre. Désormais presque toutes ses recrues épiscopales seront « des gens de vieille race. » « Il n’y a qu’eux, dit Napoléon, pour savoir bien servir[1]. »


IX

Dès la première année, l’effet obtenu a dépassé l’effet attendu. « Voyez le clergé[2], disait le Premier Consul à Rœderer ; tous les jours, malgré lui et plus qu’il ne l’avait prévu, il sera dévoué au gouvernement. Avez-vous lu le mandement de l’archevêque de Tours, Boisgelin ? .. Il dit que le gouvernement actuel est le gouvernement légitime, que Dieu disperse, quand il lui plaît, les trônes et les rois, qu’il adopte les chefs que les peuples préfèrent. Vous n’auriez pas dit mieux. » — Pourtant, on dira mieux, non-seulement dans tel mandement, mais encore dans le catéchisme. Aucune publication ecclésiastique n’est si importante ; tout enfant catholique l’apprend par cœur, et les phrases qu’il répète se fixent à demeure dans sa mémoire. Certes, le catéchisme de Bossuet est déjà bon, mais on peut l’améliorer ; il n’y a rien que le temps, la réflexion, l’émulation, le zèle administratif, ne perfectionnent. Bossuet enseigne aux enfans qu’ils doivent « respecter tous supérieurs, pasteurs, rois, magistrats et autres. » « Mais ces généralités[3], dit Portalis, ne suffisent plus, elles ne dirigent pas la soumission des sujets vers son véritable but… Il s’agit d’attacher la conscience des peuples à l’auguste personne de Votre Majesté. » Ainsi, précisons, nommons, appuyons. Bien plus explicite que le catéchisme royal, le catéchisme impérial ajoute à l’ancien des développemens significatifs et des motifs de surcroît : « Nous devons en particulier à Napoléon Ier notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’empire et de son trône… Car il est celui que Dieu a suscité, dans des circonstances difficiles, pour rétablir le

  1. D’Haussonville, n. 231.
  2. Rœderer, III, p. 459 (30 décembre 1802).
  3. D’Haussonville, II, 257. (Rapport de Portalis à l’empereur, 13 février 1806.) — Id. II, 266.