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ruisseaux de naphte disposés parallèlement le long des rues. Enfin les anciens employaient encore l’huile minérale pour guérir la gale des bêtes de somme.

Toutefois, il n’est pas question, avant le Xe siècle, des sources de l’Apchéron. Ce sont les Arabes qui ont, les premiers, parlé des sources de Baki (nom arabe de Bakou), et deux voyageurs contemporains l’un de l’autre, Ricold et Marco-Polo, disent expressément que le pétrole de Bakou faisait l’objet d’un commerce important avec le Ghilan, le Mazanderan et toute la Mésopotamie jusqu’à Bagdad. Mais c’est surtout du siècle dernier que date la célébrité du pétrole caucasien ; les voyageurs anglais à la recherche d’une route vers l’Inde parlent avec la plus grande admiration de l’exploitation, concentrée alors dans l’île sainte de Sviatoï, à l’extrémité de la presqu’île ; là, en effet, le liquide arrivait jusqu’au niveau de la mer, et le chargement des bateaux en était plus facile. L’île de Sviatoï ne donnait que du naphte noir, de consistance plus épaisse, réservé à l’éclairage et au chauffage ; on connaissait aussi le naphte blanc, plus léger et plus pur, fort utilisé en médecine et qu’on recueillait dans la presqu’île elle-même. « Les Russes, ajoute le voyageur Jonas Hanway (1754), le boivent comme liqueur et comme tonique ; il n’enivre jamais. C’est aussi, à l’usage interne, un excellent médicament contre la gravelle et les maladies vénériennes, si fréquentes dans le Caucase ; comme remède externe, il est fort employé contre le scorbut, la goutte, les crampes, etc. On doit, en ce cas, l’appliquer seulement sur les parties malades, car il pénètre instantanément dans le sang et cause de courtes, mais très vives douleurs. Il dégraisse fort bien les étoffes et serait d’un usage très fréquent, s’il ne laissait, après l’opération, une odeur abominable. Dans les Indes, on en tire un excellent vernis… » Voilà certes de bien nombreux emplois du naphte dès le milieu du XVIIIe siècle : aujourd’hui, la médecine l’utilise plus souvent encore et la chimie en a tiré les plus précieuses substances. Ajoutons, dès maintenant, qu’il n’y a du naphte noir au naphte blanc qu’une différence de qualité. Aujourd’hui, l’île de Sviatoï n’est plus exploitée, non plus que celle de Tcheleken et les sources transcaspiennes : les raffineurs de Bakou suffisent à peine aux richesses de l’Apchéron.

Les voyageurs anglais du XVIIIe siècle parlent encore avec le plus vif étonnement du profit que les indigènes savent tirer des émanations de gaz inflammables qui se produisent aussi dans cette étrange péninsule. Ce sont les mêmes carbures d’hydrogène adorés jadis par les guèbres de Zoroastre. A Sourakhané surtout, il suffit de creuser le sol avec le doigt pour déterminer une émanation de carbure inflammable au contact d’un charbon ou d’une allumette :