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Les événemens mêmes de la Nouvelle-Orléans, la complaisance ou l’inertie des autorités locales, les hésitations et les lenteurs des autorités fédérales, le verdict du grand jury et les motifs consignés dans le rapport qui l’a préparé paraissent justifier une tentative de redressement par la voie diplomatique. Le gouvernement du roi Humbert a pu légitimement soutenir, à la suite d’assassinats commis sur des sujets italiens, qu’il n’avait pas trouvé de justice organisée non-seulement pour venger une atteinte au droit des gens, mais encore pour réprimer une violation flagrante de la constitution américaine (sixième article additionnel) et qu’il était devenu par la force des choses l’unique protecteur de ses nationaux. Quand la justice s’effondre, il faut bien que l’action diplomatique commence.

Il y a là, sans doute, une difficulté qui peut embarrasser le président de la république et ses ministres. Mais elle est, ce semble, d’ordre purement administratif. Il faut bien que les gouvernemens lésés dans de telles conditions trouvent quelqu’un à qui parler. Il en doit être ainsi surtout dans les rapports des puissances européennes avec les États-Unis, république fédérative dans laquelle, aux termes mêmes de la constitution (art. 1, sect. 10), aucun État particulier ne peut, sans le consentement du congrès, « contracter quelque traité ou union avec un autre État ou puissance étrangère. » Comment admettre que les pouvoirs fédéraux soient les seuls organes de ce grand peuple toutes les fois qu’il s’agira de porter une de ses réclamations à quelque autre puissance et se dérobent derrière l’omnipotence des législatures locales quand celle-ci réclamera pour son compte ? Il y a dans cette situation équivoque et fausse le germe de grands embarras, peut-être un péril international. Le gouvernement qui réside à Washington peut seul représenter la république dans ses relations et dans ses conflits avec les autres peuples ; tel est bien, au surplus, le rôle que la constitution lui donne. Si, pour s’acquitter efficacement de cette tâche, il doit resserrer les liens qui le rattachent aux États particuliers, qu’il les resserre soit en usant de ses droits jusqu’au bout, soit en tirant des textes constitutionnels, avec l’aide du congrès s’il le faut, toutes les conséquences qu’ils impliquent. Le moment est venu.


Arthur Desjardins.