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au commencement de l’année, à la fin de chaque mois un jour de retraite, après les vacances et avant la collation de chacun des quatre ordres, huit jours de retraite, pendant ces retraites toutes les études suspendues, sermon du matin et sermon du soir, lectures spirituelles, méditations, oraisons et pratiques tout le long du jour[1], bref, l’application quotidienne et systématique d’une méthode savante et incessamment perfectionnée, la plus efficace pour fortifier la croyance, exalter l’imagination, diriger et entraîner la volonté, analogue à celle d’une école militaire, Saint-Cyr ou Saumur, tellement que l’empreinte, corporelle et mentale, en est indélébile, et qu’à sa façon de penser, de parler, de sourire, de saluer, de se tenir debout, on reconnaît un ancien élève de Saint-Sulpice comme un ancien élève de Saumur et de Saint-Cyr.

Sorti de là, prêtre ordonné et consacré, d’abord vicaire, puis curé desservant, la discipline qui l’a étreint et façonné continue à le maintenir debout et au port d’armes. Outre son service à l’église et son ministère à domicile chez les fidèles, outre les messes, vêpres, sermons, catéchismes, confessions, communions, baptêmes, mariages, extrêmes-onctions, funérailles, visites aux malades et aux affligés, il a ses exercices personnels et privés : d’abord son bréviaire, dont la lecture lui demande chaque jour une heure et demie ; aucune pratique n’est si nécessaire. Lamennais en avait obtenu dispense, de là ses écarts et sa chute[2] ; n’objectez pas qu’une telle récitation devient vite machinale[3] ; les prières, phrases et mots qu’elle enfonce dans l’esprit, même distrait, y deviennent forcément des habitans fixes, par suite, des puissances occultes, agissantes et liguées qui font cercle autour de l’intelligence, qui investissent la volonté, qui, dans les régions souterraines de l’âme, étendent ou affermissent par degrés leur occupation silencieuse, qui opèrent insensiblement dans l’homme sans qu’il s’en doute, et qui, aux momens critiques, se lèvent en lui, à l’improviste, pour le raidir contre les défaillances ou pour l’arracher aux tentations. A cet usage antique, ajoutez deux institutions modernes qui contribuent au même effet. — La première est la conférence mensuelle qui

  1. Journal d’un voyage en France, par Th.-W. Allies, 1845, p. 38. (Tableau des exercices journaliers à Saint-Sulpice, fourni par l’abbé Caron, ancien secrétaire de l’archevêque de Paris.) — Cf. dans Volupté, par Sainte-Beuve, le même tableau fourni par le père Lacordaire.
  2. Manrèze du prêtre, par le révérend père Caussette, I, 82.
  3. Ibid., I, 48. a Sur 360 méditations que fait un prêtre régulier dans l’année, il y en a bien 300 qui sont arides. » — Sur l’efficacité des prières apprises par cœur, témoignage de l’abbé d’Astros, tenu pendant trois ans en prison sous le premier empire et sans livres : « Je savais les psaumes par cœur, et, grâce à cette conversation avec Dieu, qui échappait au geôlier, Je me suis toujours préservé de l’ennui. »