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au pénible et minutieux labeur personnel qui accompagne toujours l’exercice direct du pouvoir absolu. — De même, à l’endroit de son grand et de son petit séminaire : ce sont là ses deux pépinières indispensables, et il en est le jardinier en chef, attentif à en combler les vides annuels, à chercher des sujets dans tous les coins de son diocèse, à y vérifier et cultiver les vocations ; il confère les bourses ; il dicte le règlement, il nomme et destitue, déplace et remplace à son gré le directeur et les professeurs ; il les prend, si bon lui semble, hors de son diocèse, hors du clergé séculier ; il leur prescrit une doctrine, des méthodes, une manière de penser et d’enseigner, et, par-delà tous ses clercs présens ou futurs, il a l’œil sur trois ou quatre cents religieux, sur quatorze cents religieuses.

Pour les religieux, tant qu’ils restent clos dans leur maison, entre eux et chez eux, il n’a rien à leur dire ; mais, sitôt qu’ils prêchent, confessent, officient ou enseignent en public, sur son territoire, ils tombent sous sa juridiction ; de concert avec leur supérieur et avec le pape, il a droit sur eux et il les emploie. En effet, ce sont des auxiliaires qu’on lui adresse ou qu’il appelle, une troupe disponible et de renfort, plusieurs corps d’élite et préparés exprès, chacun avec sa discipline propre, son uniforme particulier, son arme spéciale, et qui lui apportent, pour faire campagne sous ses ordres, des aptitudes distinctes et un zèle plus vif ; il a besoin d’eux[1] pour suppléer à l’insuffisance de son clergé sédentaire, pour réveiller la dévotion dans ses paroisses et pour raidir la doctrine dans ses séminaires. Or, entre les deux milices, l’entente est difficile ; la seconde, adjointe et volante, marche de l’avant ; la première, occupante et fixe, se dit tout bas que les nouveaux-venus usurpent sa place, diminuent sa popularité, écourtent son casuel ; il faut à l’évêque beaucoup de tact et aussi d’énergie pour imposer à ses deux clergés, sinon la concorde intime, du moins l’assistance réciproque et la collaboration sans conflit. — Quant aux religieuses[2], il est leur ordinaire, unique arbitre, surveillant et gouverneur de toutes ces vies cloîtrées, pour recevoir leurs vœux, pour les en relever : c’est lui qui, après enquête et examen, autorise toute entrée dans la communauté ou rentrée dans le monde, d’abord chaque admission ou noviciat, ensuite chaque profession ou vêture, tout renvoi ou départ

  1. Moniteur, séance du 14 mars 1865. (Discours du cardinal de Bonnechose.) — « Comment ferions-nous, si nous n’avions pas de religieux, de jésuites, de dominicains, de carmes, etc., pour prêcher nos stations d’avent et de carême, pour prêcher nos missions dans les campagnes ? Le clergé (paroissial) n’est pas assez nombreux pour suffire à la tâche de chaque jour. »
  2. Prœlectiones juris canonici, II, 305 et suivantes.