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tirer profit, et, de fait, il en autorise plusieurs, en qualité d’instrumens dont la société a besoin ou dont l’État fait usage, en particulier les sœurs de charité, hospitalières ou enseignantes[1], et les frères des écoles chrétiennes[2], au premier rang les lazaristes et les pères des missions étrangères[3]. « Ces religieux, dit-il[4], me seront très utiles en Asie, en Afrique et en Amérique ; je les enverrai prendre des renseignemens sur l’état du pays. Leur robe les protège et sert à couvrir des desseins politiques et commerciaux… Je leur ferai un premier fonds de 15,000 francs de rente… Ils coûtent peu, sont respectés des barbares, et, n’étant revêtus d’aucun caractère officiel, ils ne peuvent compromettre le gouvernement. » D’ailleurs, « le zèle religieux leur fait entreprendre des travaux et braver des périls qui sont au-dessus des forces d’un agent civil. » — Bien entendu, puisqu’ils sont des « agens secrets de diplomatie, » le gouvernement doit les tenir et les diriger. En conséquence, « leur supérieur ne résidera plus à Rome, mais à Paris. » Même précaution à l’endroit des autres congrégations qui, dans l’enseignement ou la charité, deviennent les auxiliaires attitrés du pouvoir laïque, « La supérieure générale[5] des sœurs de la charité résidera à Paris ; toute la corporation sera ainsi sous la main du gouvernement. » Quant aux frères des écoles chrétiennes, Napoléon les englobe dans son université[6] : « Ils seront brevetés par le grand maître[7], qui visera leurs statuts intérieurs, les admettra au serment, leur prescrira un habit particulier et fera surveiller leurs écoles. » — Notez les exigences du gouvernement à cet endroit, ses procédés pour maîtriser les ordres religieux qu’il autorise. L’abbé Hanon[8], supérieur commun des lazaristes et des

  1. État des congrégations, communautés et associations religieuses dressé en exécution de l’article 12 de la loi du 12 décembre 1870 (Imprimerie nationale, 1878) : 1° congrégations de femmes à supérieure générale, autorisées depuis le 28 prairial an XI jusqu’au 13 janvier 1813, hospitalières et enseignantes ; total : 42 ; 2° communautés de femmes sans supérieure générale, autorisées depuis le 9 avril 1806 jusqu’au 28 septembre 1813, hospitalières et enseignantes ; total : 205.
  2. Ibid., Frères des écoles chrétiennes, dits de Saint-Yon, autorisés le 17 mars 1808.
  3. Ibid., Congrégation de la mission de Saint-Lazare, autorisée le 17 prairial au XII. —Congrégation du séminaire des Missions étrangères, autorisée le 2 germinal an XIII.
  4. Pelet de La Lozère, p. 208 (22 mai 1804).
  5. Ibid., p. 209.
  6. Décret du 17 mars 1808, article 109.
  7. Alexis Chevalier, les Frères des écoles chrétiennes après la Révolution, p. 93. (Rapport de Portalis approuvé par le premier consul, 10 frimaire an XII.) Désormais, dit Portalis, « le supérieur général de Rome renonce à toute inspection sur les Frères de la doctrine chrétienne : en France, il est convenu que les Frères auront un supérieur général qui résidera à Lyon. »
  8. D’Haussonville, v, p. 148.